mardi 27 août 2013

Sur l'herbe

Nous vivions au fil de l’eau, bercés dans les reflets du ciel. Nous gardions le goût de la source et glissions dans les caresses du vent. Nous naviguions dans l’élan du premier jour. Il n’était pas encore trop tard. Le temps nous offrait son innocence, nous accordait un répit. Le delta nous semblait si loin. Parfois nous abordions la rive. Les amarres se tendaient vers l’aval. Les enfants couraient et riaient. Couchés dans l’herbe, nous les regardions. Nous étions les héros d'un tableau naïf. J’adorais ces moments où nous vivions. Nous étions là, corps et âme. Nous vivions notre vie sans entrave. Nous n'attendions rien. nous étions heureux. Nous étions la vie. Je me sentais libre, délivré de toute contrainte. Regrets, peur et culpabilité avaient disparu. Je sais que je ne revivrai jamais ces moments de légèreté, d'insouciance, de douceur, d'éternité. J'ai parfois l'impression que c'était une autre vie, que je pourrais me regarder sans me reconnaître. Ces souvenirs m'écorchent.
 Les yeux clos, j'entendais un souffle dans le bruissement des feuilles. Ma nuque baignait dans la fraîcheur du sol. Dispersé, le soleil, comme les lèvres de mon amour, frôlait mon visage. Je vous souriais. Vous étiez si près. Vous étiez si près que j'aurais pu entendre votre cœur. Vous étiez si près que nous ne pouvions pas être séparés. Je ne pouvais imaginer qu'il y ait autre chose que la vie, que chacune de ces vies. 
 Je ne sais pourquoi, je ne sais qui suggérait de se mêler à nouveau au courant.    

mercredi 21 août 2013

Là-bas


D’avant que ne souffle le vent
Je ne me souviens plus de rien
Ni du début ni de la fin
Je me suis perdu entre-temps
Il ne reste même plus de présent
Depuis que le temps n’existe plus
Même les instants ont disparu
Je suis passé par le néant
Sans entendre le dernier souffle
J’ai attendu que le jour revienne
Dans tes yeux je voyais le trouble
Cherchant au-delà de ta peine
Le murmure de son sourire
Ce qu’elle ne pourra plus dire
Mais qu’il te semble entendre
De sa voix encore si tendre

Patience (suite)

J'ai traversé la rue. Je me suis retrouvé seul dans la cour. C'était la première fois. Je suis souvent à la recherche de mon premier souvenir, celui qui serait le plus proche de ma naissance. Je me demande ce qu'est un souvenir. Que contient-il? Des images, du son, des sentiments, des sensations, des fantasmes? Un souvenir est certainement une mise en scène, un point de vue. Il ne se transmet que par les mots. Des mots qui ne sont pas toujours les mêmes. Avec qui partageons-nous nos souvenirs? Se souviennent-ils de nos souvenirs? Deviennent-ils aussi leurs souvenirs? Je n'ai aucun moyen d'authentifier certains de mes souvenirs, de les situer chronologiquement.  
Je n'ai qu'un vague souvenir du puits. Je sais qu'il était là. Je l'ai regardé. Ce sont plutôt des sensations qui refont surface. Même si j'ai obtenu la permission de traverser la rue seul, ma taille me contraignait à escalader le puits si je voulais espérer en voir le fond. Je ne l'ai jamais vu. Je me penchais. Je sentais la fraîcheur sur mon visage. J'entendais l'eau mais je ne voyais rien. J'avais peut-être envie de plonger. Il m'arrivait de laisser tomber un caillou. J'entendais le plouf. Le puits ne stimulait pas mon imagination. Je n'imaginais pas de monstre caché dans les profondeurs. Ce que j'aurais aimé c'est envoyer le seau par le fond et ramener l'eau dans la cuisine. Je n'ai jamais été assez grand pour pouvoir le faire. J'ai quitté la maison avant. 

vendredi 16 août 2013

Si peu



Du bout des doigts
Jusqu'à toi
Dans les rondeurs
De la couleur
Je t'effleure
Tu es déjà loin
Dans l'onde de l'ombre
Tu serres les poings 
Et tu sombres

Rendons à César...



 Contrairement à ce qui avait été indiqué précédemment, je me dois d'avouer, ce à la demande d'une lectrice, que le texte ci-dessous n'est pas d'Henri Callet mais que j'en suis l'auteur. Cela ne se reproduira plus.


Des souffles. Je regardais les derniers jours. Je me suis demandé ce qu'était une vie, de quoi elle était faite. Quelle est la part de soi dans une vie? Ma vie se distingue-t-elle des autres vies? Cette sensation parfois d'être à côté, d'être sur le bord et de se regarder passer ou d'être emporté sans trop savoir vers où. Si la vie, pourquoi ne pas dire ma vie, était un miroir, je ne sais pas si je me reconnaîtrait. Ou peut-être quelques morceaux de moi.  Je n'échappe pas à l'absurdité, à l'incohérence, à la culpabilité, à la souffrance, aux regrets...Pourtant, la vie n'est pas un doute sans fin.
Quand il reste un corps allongé qui se débat, qui renonce, qui se laisse glisser, qui n'est déjà plus habité. Il est comme un soleil qui touche l'horizon. Sa lumière nous parvient alors qu'il a déjà disparu. Que nous reste-t-il de cette ancienne vie? Lorsque meurent ceux que nous aimons, ceux qui sont notre vie, nous perdons de cet amour qui nous fait vivre. La vie ne continue pas. Ce n'est plus la même. Est-ce toujours notre vie? Je ne sais pas toujours pourquoi la vie devrait continuer, pourquoi la vie serait toujours la plus forte. Il suffirait de le dire, de l'asséner comme un devoir pour qu'elle s'impose?
La mort de ceux que j'aime me fait souffrir chaque jour. Je les aime mais ils ne sont plus là. Je ne les vois plus, je n'entends plus leur voix, je ne leur parle plus, ils ne me sourient plus, je ne les serre plus dans mes bras, ils ne me font plus rire. Des chemins à flanc de vie que je ne fréquenterai plus. Je me souviens de ces jours où j'ai rebroussé chemin. Je me retourne souvent. Je ne fais que deviner. Comme si l'air tremblait. Quand le souvenir devient presque la vie. Cette vie qui est une incompréhension. Un souffle.

mercredi 14 août 2013

Vit(e) fait

Elle s'en souvient mais ne se souvient plus à quoi cela pouvait bien servir.

Patience

Je me souviens d'un puits. Il se trouvait dans une cour. Il fallait traverser la rue. J'étais un enfant. Plutôt petit. Enfin, encore petit. Du moins au début. Les premières années, je n'avais pas le droit de traverser cette rue. Pour le faire, je devais donner la main et me tenir éloigné du puits. Pourtant, je n'ai jamais vu ou entendu une automobile l'emprunter. Je n'imaginais pas que l'interdiction puisse être motivée par autre chose. Je n'allais pas jouer dans cette cour. Elle n'était pas faite pour ça malgré l'expression "Va jouer dans la cour". Elle était recouverte de fleurs sans intérêt, que personne n'avait jamais eu l'idée de cueillir. Plusieurs fois par jour, quelqu'un traversait la rue avec un seau en métal pour le remplir. Je ne sais plus qui c'était. Quand je replonge dans cette époque, j'ai l'impression que les seuls souvenirs qui me restent concernent les choses. Surtout le puits. Je ne me souviens pas à quoi servait l'eau du puits. Je revois le seau dans lequel l'eau continuait de se balancer au rythme des pas qui l'avaient transportée jusqu'à la cuisine. Elle était claire. Quand le seau restait sans surveillance, j'y plongeais les bras. La fraîcheur glissait sur ma peau. Je fermais les yeux et j'attendais. Dans le silence, je laissais passer le temps. Je ne bougeais plus. Comme si ils s'étaient dilués dans la transparence, je finissais par ne plus sentir mes bras. Je faisais mon apprentissage de l'immobilité. Je découvrais le temps de l'inutilité. Je faisais partie du silence. Avant que des pas ne se fassent à nouveau entendre, je sortais de la cuisine et posais mes bras sur le rebord d'une fenêtre chauffé par le soleil. Je regardais disparaître les dernières gouttes.
Un jour, j'ai eu le droit de traverser la rue tout seul.

mardi 13 août 2013

En vrac et à peu près

Lundi je suis resté au lit
A quoi bon en sortir,
Elle n'était pas rentrée
Je croyais la vie finie
Tapi parmi les couvertures
Comme la fin de l'aventure
Elle vivait nuits d'amants
J'en oubliais les nuits d'avant
Légère elle sautait d'il en il
j'ai fini par perdre le fil 
J'étais plus qu'une doublure
Accessoire au fur et à mesure
Elle me soufflait dans le matin
Les chuchotements d'un autre 
Je devinais le flot encore chaud
Dans les ombres de sa peau

Contre toi

Un passage de "Contre l'oubli" qu'écrivit Henri Calet.

"Des souffles. Je regardais les derniers jours. Je me suis demandé ce qu'était une vie, de quoi elle était faite. Quelle est la part de soi dans une vie? Ma vie se distingue-t-elle des autres vies? Cette sensation parfois d'être à côté, d'être sur le bord et de se regarder passer ou d'être emporté sans trop savoir vers où. Si la vie, pourquoi ne pas dire ma vie, était un miroir, je ne sais pas si je me reconnaîtrait. Ou peut-être quelques morceaux de moi.  Je n'échappe pas à l'absurdité, à l'incohérence, à la culpabilité, à la souffrance, aux regrets...Pourtant, la vie n'est pas un doute sans fin.
Quand il reste un corps allongé qui se débat, qui renonce, qui se laisse glisser, qui n'est déjà plus habité. Il est comme un soleil qui touche l'horizon. Sa lumière nous parvient alors qu'il a déjà disparu. Que nous reste-t-il de cette ancienne vie? Lorsque meurent ceux que nous aimons, ceux qui sont notre vie, nous perdons de cet amour qui nous fait vivre. La vie ne continue pas. Ce n'est plus la même. Est-ce toujours notre vie? Je ne sais pas toujours pourquoi la vie devrait continuer, pourquoi la vie serait toujours la plus forte. Il suffirait de le dire, de l'asséner comme un devoir pour qu'elle s'impose?
La mort de ceux que j'aime me fait souffrir chaque jour. Je les aime mais ils ne sont plus là. Je ne les vois plus, je n'entends plus leur voix, je ne leur parle plus, ils ne me sourient plus, je ne les serre plus dans mes bras, ils ne me font plus rire. Des chemins à flanc de vie que je ne fréquenterai plus. Je me souviens de ces jours où j'ai rebroussé chemin. Je me retourne souvent. Je ne fais que deviner. Comme si l'air tremblait. Quand le souvenir devient presque la vie. Cette vie qui est une incompréhension. Un souffle."

lundi 5 août 2013

Pas la peine de crier

L'autre nuit, je dormais. C'était une nuit que rien ne semblait distinguer d'une nuit de tous les jours. Elle était vouée à être une de ces nuits pendant lesquelles on s'endort et qui se terminent au moment où l'on se réveille. J'étais dans mon lit, à la gauche de celle avec qui je le partage. J'étais relâché, le corps dénudé dont toutes les formes ne pouvaient être estompées par un simple drap. Je baignais dans la quiétude de celui qui sait que demain sera fait de plaisirs. Comme le chante Charlélie Couture, la chaleur était lourde comme de la crème au beurre. Si je rêvais, je ne me souviens plus de quoi il était question. Et puis quelque chose m'a sorti du sommeil, comme un son, un son plutôt aigu. Comme souvent, la sortie de sommeil s'est déroulée au ralenti. Il m'a fallu quelques secondes pour me souvenir où j'étais et ce que je faisais là. Ceci fait, faisant intrusion par la fenêtre, maintenant des cris parviennent distinctement à mes oreilles. Sur le coup, je me dis que j'ai déjà entendu ce genre d'éructation sonore, que cette mélodie saccadée m'est familière. Et pour cause. Quelque part, à portée de voix, dans la nuit qui mêle les parfums et le désir, une femme nous faisait part de son entière satisfaction.
Je n'ai pas réussi à me rendormir.

vendredi 2 août 2013

Je n'ai pas trouvé de titre

Hier, pédalant sur une route départementale, je suis passé près d'un foyer de jeunes filles. Je me suis demandé pour qui il pouvait y avoir danger.