mercredi 24 septembre 2014

Celui d'après

«Il arrive que nos cœurs soient profondément liés à un partenaire de long terme, mais que nos corps s'ennuient.» Cette phrase de Andi Schreiber m'est revenu à l'esprit. Un homme plutôt voûté marchait vers la sortie du jardin. L'évidence m'a heurté. Un jour, mon corps ne serait plus désiré par personne. Plus aucune femme n'aura envie de le caresser, ni même de le regarder. Aucune main ne glissera plus entre mes cuisses. Plus aucune bouche n'accueillera mon désir. Plus aucune lèvre ne me fera fondre. Même ma main n'aura plus envie. je haïrai les souvenirs. Le souvenir de nos étreintes, de ces moments où je disparaissais dans ton souffle, où je m'évanouissais entre tes bras, où je me noyais dans ton plaisir. Ma vie se dissimulera dans le lointain. Je pensais à ce jour, ce jour où je serai ignorant, ignorant qu'une dernière fois dans l'aire d'un lit j'aurais repris mon souffle.
Comme si je voulais oublier ce qui allait se passer, je me suis levé. J'ai regardé autour de moi. Je n'avais pas envie de rentrer. Même si bientôt le soleil se contenterait de se laisser deviner, j'avais mieux à faire. J'avais envie de volupté et d'abandon.  

lundi 22 septembre 2014

Celui d'après

Je suis sorti de l’église emportant avec moi son silence. Silence que je retrouvais en pénétrant dans les jardins de la mosquée. Je me suis assis sur un banc. J'ai regardé le sol. Je pensais à la vie. Cette vie que je traversais. Ma vie. Cette sensation de ne pas vivre comme si je n'avais qu'une vie. C'était comme si j'attendais quelque chose avant de commencer à vivre. Ma vie était dans un entrepôt attendant que je vienne la retirer. J'en ignorais la date de péremption.
  Une feuille est tombée d'un arbre. Le vent ou la fatigue. J'ai entendu le bruit. Un bruit léger. Dans sa chute elle a frôlé d'autres condisciples. Elle rebondit. Je l'ai perdue de vue. Je voulais suivre sa progression vers le sol, absolument la voir se poser. Je lui offris toute mon attention. Un mouvement l'a éloignée des branches. Elle était dans la lumière. Comme si elle avait eu la volonté de retarder son contact avec le sol, elle décrivit des arcs de cercle. Sa légèreté ne la sauva pas. Elle rejoignit celles qui l'avaient précédée. Elles formaient une ondulation sèche et bruissante. Les pieds des derniers visiteurs leur donnaient un dernier élan vers l'ombre du soir.

lundi 15 septembre 2014

Celui d'après

Je n'ai jamais trouvé cette âme. Ni après avoir passé la porte ni dans cette église. Après m’être assis sur le banc, je consacrai quelques minutes à observer mon environnement. Je n’étais qu’un regard. La sobriété du lieu me reposait. Elle me préservait d’une introspection. Je n’allais découvrir aucun secret, aucune vérité. Je regardai la croix. Du bois, sur lequel était fixée une sculpture. Le message m’échappait certainement. Les vitraux retraçaient le chemin de la souffrance, du sacrifice, de cette quête du pardon qui ne peut qu'atténuer la culpabilité. En observant ces signes forçant le trait d'une condition humaine peu enviable, j'étais dans l'obligation de m'avouer que je n'étais pas étranger à cette représentation. Même si je voulais apparaître comme un étranger en ce lieu, comme un élément neutre, je devais bien m'avouer que ma vie était parsemée de culpabilité. Malgré mes efforts de légèreté, j'étais un coupable dans l'âme. Parfois coupable de tout et parfois coupable sans en connaître l'objet. Pourtant, ce que je voyais finit par m'insupporter. La représentation d’un esprit, d’une souffrance était une contrainte, un obstacle. Je n’avais besoin de rien pour croire. Être en vie me suffisait. 

jeudi 11 septembre 2014

Maintenant



Je tente de rester à la surface de la mort. Là où la lumière réchauffe les ombres. Je ne veux pas imaginer cette terre qui grouille. Je ne veux pas de cette mémoire qui fouille. J’ai peur de ces souvenirs qui s’enfoncent. Je veux oublier ces espoirs qui pourrissent. Je veux m’éloigner de ce vide qui vrille. J’ai besoin de croire en cette autre chose, ce prolongement de mon amour.

mardi 9 septembre 2014

Celui d'après

J’entrai et trouvai le silence. Un silence qui comme l’air envahissait l’espace et m’entourait de sa lenteur. Je lui laissais le temps. En ces premières secondes je n'ai rien ressenti. Je n'ai pas vu mon âme s'élever. Enfant, lorsqu'à genoux aux pieds d'un Christ crucifié (il m'a fallu plusieurs années pour découvrir qu'il n'avait pas passé toute sa vie sur la croix) se finissait ma confession qui en règle générale consistait à lire une liste de péchés plutôt véniels (mots dont j'ignorais la signification) affichée au mur, de sa voix miséricordieuse le prêtre, après avoir donné le détail de ma pénitence toujours composée de "Notre père" et "je vous salue Marie" en plusieurs exemplaires à réciter dans l'ombre de la contrition rédemptrice et alors que déjà je lui tournais le dos pour sortir de son bureau sorte de confessionnal convivial, me disait ainsi ton âme sera plus légère libérée du poids de ta faiblesse. Passé la porte, j'avais cette vaine volonté me sentir plus léger, libéré de je ne sais quoi. Si j'en croyais cette sainteté mon âme était à nouveau blanche. C'était cette époque de ma vie où je me devais d'accepter le sort qui m'était réservé. Malgré tout, sentant la caresse d'un sentiment de culpabilité, je ne pouvais m'empêcher de me poser cette question : où mon âme se trouve-t-elle?

mercredi 3 septembre 2014

Celui d'après


Si je pouvais me donner cette impression de marcher au hasard, j’étais à la recherche de quelque chose. Il me restait à déterminer la nature de ce quelque chose. Je jouais à être un homme sans passé, peu préoccupé de son avenir. Je voulais me sentir léger, être l'instant. J'étais un corps en mouvement. Je regardais les passants, l'agitation ambiante comme un spectacle qui me serait offert.
Après quelques pas je me retrouvai face à la grande mosquée, la grande mosquée de Paris. L'idée de dieu ne m'avait pas traversé l'esprit. Si j'exclus les présences forcées qui ont jalonné mon enfance et qui me voyait sur les bancs d'églises pour assister à des messes interminables et froides, j'avais peu fréquenté ce que j'appellerais les lieux saints. Hors les visites touristiques qui étaient teintées d'un soupçon de profanation, il m'était arrivé de passer du temps dans une église. J'ai un souvenir précis de l'une d'elle. 

C’était une église plutôt sobre. Bien sûr, certains signes ne laissaient aucun doute sur le caractère catholique de l’édifice mais je ne me sentais pas écrasé par une affirmation triomphante. C’était comme si ceux qui avaient participé à la conception et à la construction de cette église y avaient glissé un espace de neutralité spirituelle.