samedi 29 novembre 2014

Pas du tout

Je ne me souviens pas de la première fois où j'ai sexuellement joui. Mais alors là, plus du tout. En revanche, ce dont je ne me souviens pas mais dont je suis certain c'est que j'étais seul. Je suppose qu'à l'époque, encore pré 68, je n'envisageais pas qu'en pareille circonstance, nous puissions être plusieurs. A ce propos, je ne me souviens plus quand pour la première fois j'ai associé quelqu'un à mon plaisir. Je passe sur les séances de masturbation collective. Quoi que, le fait de pratiquer ce plaisir solitaire en groupe a pour effet de faire disparaître toute trace de culpabilité mais, revers de la médaille, cette pratique communautaire n'est pas favorable aux fantasmes. Ce type de proximité ne laisse la place qu'à la mécanique de la jouissance. Tout comme pour Whole lotta love, j'aimerais me souvenir, ressentir l'intensité de cette première fois. Je suppose que lors de cette première fois on ne sait pas à quoi s'attendre. C'est une découverte. L'effet de surprise. Je ne me souviens plus du tout si j'ai recommencé tout de suite après.   

vendredi 28 novembre 2014

Le dernier (4)

Aucun des derniers jours n'est demeuré. Ils ont rejoint les autres. Tous les autres. Ceux qui sont passés sans bruit. Peut-être toute ma vie n'a-t-elle fait aucun bruit. Il me reste ce dernier jour pour qu'elle résonne, pour qu'elle soit autre chose qu'une succession. Je me souviens de ce jeu qui consiste à dire ce que l'on ferait si l'on n'avait plus qu'un jour à vivre. N'y jouent que ceux qui ont leur vie devant soi. Dans la mesure où l'on ose, c'est un catalogue de fantasmes. On est persuadé que l'on ferait des choses folles. Souvent, selon l'âge, on passe des bonbons profusion au cul sans entrave. J'ai hésité à écrire ce mot. Il ne fait habituellement pas partie de mon vocabulaire. Dans le domaine des mots, j'ai été raisonnable. Pour ce qui est du sexe, je n'ai jamais pu résoudre à dire à un homme "Baise moi". Bien sûr, il le faisait et avec mon assentiment mais cette injonction n'avait aucun lien avec ce qui se passait. Je crois me souvenir qu'un jour, seule dans ma chambre, j'avais essayé de prononcer ces mots censés exciter. N'étant parvenu qu'à les chuchoter, je n'en retirai aucune satisfaction. Quand bien même les aurais-je criés. Et là, en ce dernier jour, je n'ai envie ni de bonbons ni de...
J'aligne les mots mais je n'ai encore rien dit. Pourtant le temps presse. Je mesure la difficulté à se livrer, à se départir de toute réserve. Je suis encore dans la position de celle qui a peur que l'on puisse lire ce qu'elle a écrit. Je sais que le jour où d'autres yeux liront mes mots, je ne serai plus en mesure d'avoir honte ni de rougir. Les pensées des autres n'existeront plus. C'est comme si, malgré l'évidence, je me disais que je connaîtrai demain. Ce doit être ça la vie. Tant qu'elle est là on ne peut s'imaginer qu'elle puisse s'arrêter.

jeudi 27 novembre 2014

Le dernier (3)

Je dois retrouver des souvenirs. J'ai si peu de temps. Je dois faire un tri. Je fouille en regardant l'écran blanc. Mes yeux finissent dans le vague, terrain peu propice à la résurgence. Je retrouve le plaisir d'attendre, d'attendre peut-être en vain. Je suis tenté de laisser passer le temps comme une suite de grains qui s'amoncelleront à mes pieds. Peut-être brilleront-ils dans la lumière du jour. Peut-être fermerai-je les yeux avant que le dernier ne touche le sol. Dieu seul le sait. Je me suis souvent demandé ce qu'il savait, s'il était le seul à savoir certaines choses. Mais à quoi bon être le seul si l'on est seul. Ce n'est que pour le plaisir d'aligner des mots. Je n'ai jamais vraiment cru en un dieu. J'ai parfois, avec passion, eu envie, besoin de croire en quelque chose qui me dépasserait, qui m'aiderait à surmonter l'adversité, peut-être même à accepter.

En passant

Qu'aurions-nous fait parmi toutes ces étoiles? Repoussés vers une nébuleuse périphérie jusqu'à en perdre le sens du mouvement, là où brillent les points comme des virgules suspendues dans l'oubli des premières vibrations. Tout cela ne pouvait tourner qu'à la catastrophe.

Famine

"Que fais-tu dans la mie" demanda la croûte.

Bon bah dis

Etre gentil n’avance à rien. Telle était la devise de Fassbinder, ai-je lu. Il ne supportait pas la lâcheté ni la soumission. On ne peut être libre sans courage. Tout cela en quelques lignes. Un concentré qui ne peut manquer d'introduire le doute. Bêtement je me suis demandé "Es-tu courageux et libre, mon garçon?" J'en doute si j'en juge par l'odieuse censure dont j'ai été victime. Ayant rédigé avec plaisir un discours à destination d'un collègue partant en retraite, je me faisais une joie de le lui lire et ce au milieu de ses invités. Mais avant même que je puisse prononcer le premier mot qui devait être suivi de nombreux autres, un supérieur que l'on qualifie habituellement de hiérarchique me fit savoir qu'il était hors de question que j'officie. Il ignorait le contenu mais la peur que, gentiment, je puisse, comme souvent, brocarder l'institution a pris le dessus. J'ai donc dû ranger mes feuilles. Je n'étais donc pas libre de lire ce que j'avais écrit et n'avais pas le courage de passer outre l'interdiction. Alors, pour qu'il me reste quelque chose, ne me dites pas que je suis gentil.

mercredi 26 novembre 2014

Pour un peu

Quand le souffle se lève
Pour atteindre tes lèvres
L'esquisse rouge et brève
S'ouvre à mes rêves

Plus du tout


Je ne me souviens plus de la première fois où j’ai écouté whole lotta love. Plus du tout. Pour être plus précis, je ne me souviens plus de ce que j’ai ressenti. J’ai écouté cette chanson des milliers de fois (tant que ça ?) dans différentes versions. La version de BBC session est celle que je préfère. Elle me semble plus proche, plus râpeuse. J'ai donc oublié ce qui m'a traversé à la première écoute. Sûrement sur un crin-crin. Le souffle introductif de Plant, l'intro de Page soutenue par la basse de Jones (que je n'ai découverte que bien plus tard) et ensuite Bonzo qui martèle. A chaque fois que je l'écoute je vibre. Alors la première fois... Je me souviens qu’innocemment j'éructais "Shake for me girl". Je sais qu'on ne retrouve jamais les vibrations de la première fois et pourtant, à chaque fois que j'entends le souffle je me dis pourquoi pas.

mardi 25 novembre 2014

Pourquoi

Ce matin, dans le noir de la nuit, le ciel était gris. La rue ruisselante se reflétait dans la lenteur du réveil. Sans aller bien loin, nous étions pourtant séparés.

lundi 24 novembre 2014

Pas du tout

De mon premier pas je ne me souviens pas. Pas du tout. Pourtant. Pourtant, ce n'est pas rien un premier pas. Le début de l'autonomie. Le premier instant de l'aventure. Qui a bien pu me mettre sur mes pieds et me lâcher? Vers qui ai-je marché? M'a-t-on encouragé à faire ce premier pas? Je ne me souviens vraiment de rien. J'ai dû faire la fierté de mes parents. Ils ont dû sourire. Je suppose qu'ils étaient là. Nous n'en avons jamais parlé. J'aurais pu leur demander de me raconter ce premier pas, de me dire ce qu'ils avaient ressenti. J'aurais aimé savoir si ce premier pas avait, dans la foulée, été suivi du deuxième ou si je l'avais réservé pour un autre jour, histoire de marquer le coup. En l'absence de témoignage, je suis parfois pris d'un doute. Et si je n'avais jamais fait le premier pas.

dimanche 23 novembre 2014

Le dernier (2)

Jusqu'à ce dernier jour, je n'ai jamais rien écrit. Peut-être quelques cartes postales. Des mots écrits sans réfléchir. Des formules qui signifiaient "je pense à vous" même si ce n'était que pour quelques secondes. Depuis que je suis dans ce dernier jour, je me dis que ma vie a passé bien vite. C'est une évidence, un lieu commun pour certains. Mais cette évidence s'impose à moi. Elle n'a jamais été si réelle, si cruelle, si désespérante. Une succession de secondes. La vie n'est peut-être faite que de successions. Jusqu'ici, je n'ai jamais vraiment réfléchi à ma vie. Si j'ai envie de l'écrire c'est parce que j'ai peur. Cette peur de ne rien laisser. Combien de ceux que j'aimais sont morts sans un mot, sans qu'ils me confient qui ils étaient. Nous partons avec tout un fouillis de souvenirs, de pensées jamais exprimées, de sentiments qui nous ont encombrés de ne pouvoir les offrir. Écrire me sortira de la solitude.   

Quand même

Quand il ne reste plus rien
Et qu'on croit qu'c'est la fin
Il nous reste ce jour
Où nous avons connu l'amour

jeudi 20 novembre 2014

Celui d'après

Le premier fantasme dont je me souvienne est né quelques semaines après mon entrée au collège. Il est né et a prospéré. Ma professeur d'histoire était l'objet de ce fantasme. Je ne me souviens plus de ce qui me plaisait en elle mais elle est rapidement devenue une obsession. Je n'ose pas penser qu'elle pouvait ressembler à ma mère. Des élucubrations de psychiatre viennois en mal de notoriété. Pensionnaire, recroquevillé dans mon lit étroit, j'attendais que les lumières du dortoir s'éteignent et je fermais les yeux. Dans le script d'origine, je marchais dans la rue et passant devant une voiture, je regardais par la vitre. Assise derrière le volant, je voyais l'objet de mon tourment. Me voyant, elle me faisait signe de la rejoindre à bord. Ce que je faisais. A cet instant de ma encore courte vie, je n'avais pas une conscience bien précise de mon corps et des possibilités qu'il était susceptible de m'offrir.

Le dernier (1)

Au gré de recherche dans des greniers abandonnés à la poussière, j'ai découvert une lettre dont voici le contenu.

"En me réveillant ce matin, j'ai su que c'était le dernier. Le dernier jour de ma vie. On ne peut pas dire que j'y pensais tous les jours mais ces derniers temps je ressentais une préoccupation encore assez vague pour que je ne puisse pas la définir. Je ne parlerai pas d'un malaise mais plutôt d'un voile. J'essaye de garder mon calme mais cette découverte matinale commence à m'angoisser. Je crois même avoir peur. L'idée que dans quelques heures mon cœur cessera de battre me semble inconcevable. Et pourtant, je sais que je ne verrai pas demain. Un dernier battement et puis plus rien. Le sang se figera dans mes veines. La chaleur me quittera et, encore imperceptible, la décomposition commencera. Ce n'est pas que j'ai déjà fait grand cas de mon corps, mais tout de même...Maintenant que j'y pense, j'aurais dû faire l'amour plus souvent. Je dis ça, mais avec qui aurais-je pu le faire? Bien sûr, il y avait mon mari, mais avec lui cela a toujours été plus fonctionnel que fusionnel. Je ne lui reproche rien. En pareille circonstance nous étions deux. Il a toujours manqué quelque chose pour que nous nous enflammions. Il m'a fallut attendre ce dernier jour pour confier à cette feuille la tiédeur de nos étreintes.   

mercredi 19 novembre 2014

Discours pour un départ en retraite

Eric, si tu me permets de t’appeler Eric puisque c’est de toi dont il s’agit, c’est aujourd’hui ton dernier jour, dernier jour tel un catafalque sur lequel auront été déposés les vestiges d’une carrière que la nuit bientôt engloutira sous le suaire de l’oubli et de l’indifférence. Car, Eric, ne te fais pas d’illusion. Aussi cruelle soit-elle, je me dois de te dire la vérité. Non pas la vérité des chiffres, non pas la vérité des courbes, fussent-elles inversées, renversées ou renversantes, non pas la vérité des tableaux quand bien même fussent-ils l’œuvre d'artistes de la manipulation. Que nenni. Il s'agit de cette vérité du cœur, de cette vérité exigeante, de cette vérité intègre, austère et rapeuse qui rend libre. Donc, au nom de cette vérité qu'ici tous nous chérissons, je me dois de te dire que j’ai fait le tour de l’ensemble des services de la DR et si l’on retire d’une part tous ceux qui ne savent pas qui tu es, d’autre part tous ceux qui se réjouissent que tu partes et enfin ceux que ton départ laisse indifférents, il reste peu de personnes susceptibles de te regretter. En d'autres termes, ce ne fut pas la razzia sur le Schuf. Quoi qu’il en soit, comme tu le sais, il est difficile de faire l’unanimité, même contre soi.

 Tu as donc décidé de partir. Tu as décidé de quitter cette belle famille, cette famille unie qu’est pôle emploi. Te connaissant, je sais que ce ne sera malgré tout pas sans regret, notamment, m'as-tu dit, celui de ne pas l’avoir fait plus tôt. Tu m'as dis, je te cite "Comme notre respecté directeur régional, je piaffe d'impatience". Enfin, quand je dis que tu as décidé, il ne faut pas exagérer en ce lieu l’étendue du droit individuel à l’autodétermination. Mais tout cela n'est que façade, l'ultime bravade d'un agent rongé par le regret, le regret de partir si tôt. Car j'ai lu dans ton regard toute cette tristesse, cette détresse de devoir partir avant de pouvoir contempler fier et ému l'aboutissement de ta carrière qu'aurait symbolisé l'avènement de Pôle emploi 2015 pour lequel tu as, sans relâche, avec une abnégation de bénédictin, travaillé jour après jour jusqu'à l'épuisement sans pour autant, perfectionniste que tu es, être le moins du monde satisfait. Je dois te dire que de mon côté je n'ai pas, en vain, ménagé ma peine auprès de la direction pour qu'en signe de reconnaissance nous puissions parler de Pôle emploi 2014.  

Comme toute chose issue du génie humain, ce texte a sa genèse.
Muni dans la main droite d’un dossier fort volumineux à l’importance fort limitée et la main gauche négligemment enfoncée dans la poche placée fort opportunément du même côté j’arpentais d’un air inspiré le couloir. Tout à mes pensées et l’air préoccupé, mon pas alerte et conquérant fut interrompu alors que je passais devant un bureau. J’entendis une voix que j’identifiais comme féminine me héler. Encore une admiratrice qui quémande un sourire, me dis-je. Que nenni. Plutôt qu’à mon charme, mon interlocutrice souhaitait faire appel à mon humour. « Toi qu’est drôle, tu pourrais pas écrire un mot pour le départ d'Eric ? » Je ne fis aucune remarque à propos de la syntaxe approximative de mon interlocutrice et me contentai de lui offrir un sourire d’assentiment.
Un mot. Sur le coup, je me suis dit qu’écrire un mot ça ne devait pas être bien compliqué. J’ai pris un ouvrage et je l’ai ouvert au hasard. Je suis tombé sur « emploi ». Avouez que ce n’était pas de chance. Pourquoi pas pôle pendant qu’on y était. Après je suis tombé sur le mot confiance et la phrase qui illustrait ce mot était « Faire le pari de la confiance ». C’est là que j’ai commencé à avoir un doute. J’ai regardé la couverture de ce curieux opuscule qui en fait s’apparentait d’avantage au bréviaire puisque c’était « Pôle emploi 2015, réussir ensemble ». Allez savoir pourquoi, confiance m’a fait penser à la couche du même nom. Si l’on y réfléchit bien, à l'impossible nul n'est tenu, Pôle emploi fait son possible pour que le nombre de demandeurs d’emploi ne déborde pas trop, les mesures étant en quelque sorte les élastiques là sur le côté qui il faut bien le dire ne suffisent pas toujours à éviter les débordements. Renonçant à écrire un mot, j’en ai écrit plusieurs. Ce qui n’est pas forcément mieux mais nous préférons parfois la quantité à la qualité ce qui nous donne l’illusion de l’opulence.
 Alors, soucieux d'obtenir ton assentiment et par ailleurs connaissant ta maîtrise toute relative de la langue française et de ses subtilités, je t’ai proposé d’écrire à ton intention un discours à caractère plus ou moins laudatif qui te permettrait de partir sous le regard admiratif d’un aréopage surpris de tant de talents et d’élégance. Mais tu refusas mon offre. Et ce n’est qu’hier, en fin de journée, prenant probablement conscience de tes limites, que penaud tu vins me voir. Arguant d'un manque de temps, excuse dont ni toi ni moi n’étions dupes, tu me demandas d’écrire un texte qui notamment mentionnerait tous ceux qui t'avaient cassé les attributs de la virilité au cours de toutes ces années. J'ai dû t'expliquer qu'en pareille circonstance, un peu d'élégance et de hauteur de vue seraient de bon aloi. Je t'ai donc proposé que tu établisses la liste de ces personnes qui auraient pu composer le casting du ballet Casse-Noisette, liste que j'ai glissée dans cette enveloppe et qui sera consultable.
 
Donc je me dois de t’avouer que ce n’est pas sans émotion que j’ai écrit et que présentement je lis ce petit compliment et ce à plus d’un titre. En effet, tu fus mon premier directeur et ce à l’agence  d'Abbeville lorsque, faute de mieux, un 1er février 1991 j’intégrai, en qualité de CRE, ce qui n’était encore que l’ANPE. Nous logions dans des locaux miteux, crasseux dont l'état de délabrement n'était que le reflet prémonitoire de ce qu'il allait advenir de notre économie si j'en crois un autre Eric, Zémour celui là. C'est en ce lieu que j'assistai à mon premier plan. Le plan 900 000 DELD. Pour ceux qui n'étaient pas nés, il s'agissait de rencontrer les demandeurs d'emploi inscrits depuis plus de 12 mois. Pour certains d'entre eux, ce fut l'occasion d'une sortie jusqu'à la ville, de prendre l'air. L'entretien se passait à peu près ainsi:
- Vous êtes donc inscrit à l'agence.
- Oui répondait le DE dans ce qui étaient les prémices de l'entretien interactif.
- Si je calcule bien, vous êtes inscrit depuis 42 mois. 
- Bah, oui. Le temps passe vite.
- Et donc, si j'ai bien compris, vous cherchez un emploi.
Une hésitation venait se glisser entre la question et la réponse. Le DE, pesant le pour et le contre finissait par répondre oui.
- Parfait lui répondait le conseiller qui embrayait par un "Et donc jusqu'ici vous n'avez pas trouvé?" 
Le DE se demandait si ce n'était pas une question piège et finissait par lâcher
- Vous savez, c'est la crise pour tout le monde.
- Mais vous cherchez quand même?
- Bah oui, bien sûr.
- Bon. Eh bien, je crois que nous avons fait le tour de la question. En cas de besoin, n'hésitez pas.
Tout le monde était rassuré.  
Avant d'être ce directeur à la moustache toute aussi raide que les règles d'indemnisation et symbole d'un priapisme capillaire triomphant, à Friville Escarbotin  tu fus prospecteur placier, fonction plus connue sous l'acronyme PP. Tous les lundis tu partais en prospection, arpentant les rues de cette picarde bourgade pour essayer de convaincre les commerçants qu'en embauchant un DELD ils pourraient bénéficier... Mais tu revenais bredouille oubliant à chaque fois que le lundi était jour de fermeture des commerces.
Mais je ne vais pas ici retracer tous les plans, parfois proche de la comète, qui ont ponctué ta vie professionnelle tant ils furent nombreux et tous les faits marquants qui ont jalonné ton éblouissante et brillante carrière, si brillante qu'il faudra des décennies pour en évaluer  l'ampleur et mesurer son influence sur les politiques de l'emploi qui ne manqueront pas d'agrémenter longtemps encore notre quotidien. Je me contenterai de rappeler qu'en notre région tu fus, avec tes trois opiniâtres et indéfectibles fantassins, le pénétrant fer de lance, le bras armé du partenariat, portant au plus haut les valeurs de notre institution, n'hésitant pas à, sans réserve, donner de ta personne pour que justice soit rendue à cette immense et incomparable contribution de Pôle emploi à la résorption, à l'éradication, à la disparition, extirpation de ce qui fut ta quotidienne obsession, à savoir le chômage. Car chaque matin, face à la courbe, vous en conviendrez non dénuée d'une certaine sensualité, se dressaient, telle ta virile turgescence, les mesures que, Hercule moderne, tu brandissais face à l'hydre du chômage qu'un jour prochain tu aurais terrassé. Mais de temps tu n'en eus pas suffisamment.
 Voici donc que se termine une bien pâle évocation de ce que fut ton passage parmi nous.
Pour terminer, saches que, pour ma part, travailler avec toi fut (beaucoup de chose ont été fut) un plaisir. Alors au nom de tous, ou presque, je te souhaite une vie de plaisirs et de jouissances sans entrave.       



mardi 18 novembre 2014

Oh

Tu bougeais dans l'élan de ta jupe courte
Si courte que le désir s'échappa du doute
Je te regardais en me mordant la lèvre
Et la chaleur afflua jusqu'à ce que le jour se lève

samedi 15 novembre 2014

"Qui c'est celui là?"

"On ne peut pas débarquer en France et aller tout de suite au guichet".
Ainsi parle Fillon. Il semble qu'il ait emprunté l'index de Sarkozy pour montrer du doigt, pour lui aussi désigner des coupables, pour nous indiquer qui sont les responsables de nos malheurs.
"Dans la bataille des idées, nous avons un avantage sur nos concurrents" se croit obligé d'ajouter un de ses conseillers. La haine, l'exclusion, le repli sur soi, la discrimination, la peur, le refus de l'autre, la lâcheté, l'ignorance seraient ainsi devenus l'expression d'idées? Etait-il bien utile d'être Premier ministre pendant cinq ans et élu du peuple depuis de si nombreuses pour ériger aujourd'hui la bêtise en système de gouvernement?
Voilà.

mercredi 12 novembre 2014

Au tout début

Je ne me souviens plus de ce qui m'a plu
Je te voyais pour la première fois, encore vulnérable
L'étonnement inondait tes yeux, te rendait adorable
Dehors les dernières gouttes tombaient peu à peu
Les stries éparses troublaient la vue
Les éclats transparents explosaient sur le bitume
Hors du reflet des flaques, la chaleur faisait naître la brume 
Dans le jour humide se diluait le bleu
Aurais-je pu retenir tes premiers instants
Pour les préserver jusqu'à maintenant

mardi 11 novembre 2014

Depuis

J'étais dans le salon. Longtemps après. Comme si c'était le jour d'après. Peut-être même tout de suite après. Et après, quoi? Laisser s'écouler le reste. Ne rien retrouver dans les regards qui pourtant s'offrent. Croire que quelque chose se cache, est enfoui dans les mots. Combler le vide avec le vent. Pourquoi devrais-je?
Je me laissais bercer par une mélodie. Je regardais le jardin, les couleurs. Les feuilles s'éloignaient des branches pour devenir des taches livrées à la fantaisie du vent. Le ciel se laissait envahir. Peut-être une note qui se prolongeait, j'ai écouté la voix du chanteur prononcer "mon enfant". Je me suis répété ces mots. J'ai souri puis pleuré. L'absence m'a traversé, écrasé comme si j'avais oublié cette réalité, comme si je m'en étais éloigné. A qui avais-je déjà dit ces mots? Ces mots aussi naturels que l'amour. Mon enfant. 

Celui d'après

En passant devant ces cabines aux portes closes, je ne pouvais malgré tout pas m'empêcher de penser. De penser à tous les désirs qui devaient s'y amonceler. Des désirs qui certainement se mêlaient à mes fantasmes. Mes fantasmes! Je crois me souvenir du premier d'entre eux. Si le sexe a rapidement fait irruption dans ma vie, il est assez longtemps resté autocentré. Je ne sais par quel hasard je me suis d'abord et exclusivement consacré au plaisir solitaire. Je me suis toujours demandé comment l'on en vient à la masturbation. Je n'ai pas reçu d'éducation en la matière, personne ne m'a montré comment procéder et pourtant... Parfois avec une frénésie exténuante, pendant de longues années j'ai pratiqué cette recherche du plaisir. Une sorte de fast-food de la jouissance. Je ne me souviens pas d'une première fois mais curieusement j'ai encore en mémoire des lieux de mes pratiques. Pendant quelque temps, voulant certainement découvrir le plaisir ludique, je pratiquais cette activité dans des lieux dont ce n'étaient pas la destination pour autant que de tels endroits existent.    

lundi 10 novembre 2014

Toute proche

Les débris crissent dans le froid des allées. 
Les pas reviennent vers le passé
Et laissent les empreintes de cette aube
Dans la lumière qui file ondule ta robe
Ta voix se prolonge dans les rayons
Et réchauffe ce matin d'abandon
 

dimanche 9 novembre 2014

Plus du tout

Je ne me souviens plus. Je ne me souviens plus de mon premier baiser. Je ne me souviens plus des lèvres sur lesquels j'ai posé les miennes. Pourtant je devais attendre ça depuis des années, peut-être même depuis ma naissance. Une première fois comme celle-ci je devrais bien m'en souvenir tout de même. Je devais être ému. Tout en moi devait l'être. Je ne comprends pas comment j'ai fait pour perdre ce souvenir. Je ne me souviens de rien. Pas plus de son nom que de son visage. J'ai repris tout depuis le début mais rien à faire. Je me demande si ce n'est pas au cours d'une soirée. Une de ces soirées où je buvais comme un polonais avant de me lancer à la pêche. Ce dont je me souviens, c'est que pendant longtemps, trop longtemps à mon goût, je n'avais manifestement pas le bon hameçon. Non. Cela a dû se passer avant. En fait, je crois que je ne m'en souviendrai plus jamais. Cela n'a aucune importance et pourtant j'aurais aimé m'en souvenir.

mercredi 5 novembre 2014

Celui d'après

Au-delà de l'enfilade de portes maintenant closes devaient se trouver les espaces. Ces espaces dédiés au corps, fait de chaleur glissante. J'avançai en espérant avoir laissé mes pensées dans la cabine. Je ne voulais être qu'un corps avide de sensations. J'éprouvais toujours les pires difficultés à ne pas intellectualiser l'expression corporelle. Je ne ressentais jamais le plaisir d'être simplement là où j'étais. Des pensées, des images me tiraient vers autre chose jusqu'à en oublier l'instant. J'avais fini par me persuader que mon esprit n'aimait pas mon corps, qu'il se méfiait de ses désirs, de ses plaisirs, de ses possibles éructations qui ne pouvaient qu'être la manifestation du renoncement. Avec le temps, s'était constitué un amoncellement de névroses. Pour tout dire, je n'étais pas loin d'avoir peur de vivre.  

Pas drôle

Peut-être le mensonge creuse-t-il la vie comme un ver dévore un cadavre. Il s’immisce. Rien ne le rebute. Plonge si profond que l'on finirait par l'oublier. Comme une fièvre qui ferait trembler nos lèvres, le mensonge est un tourment qui tourne autour, nous enserre. Ne subsiste que le souvenir de sa présence le jour où nous sommes devenus ce mensonge.

Celui d'après

J'allai sortir de l'ombre de la cabine. Même en l'absence de bruit j'hésitai. J'hésitai à me dissimuler pour partie. Après un temps de réflexion ou d'hésitation, j'enroulai la serviette autour de ma taille qui depuis quelque temps avait tendance à prendre de l'ampleur. Ce constat m'agaçait. D'autant que ce surplus de volume m'avait sauté aux yeux un de ces foutus matins, comme si cette transformation s'était insidieusement déroulée au cours de la nuit profitant de mon inattention. Je soupçonnais mon corps de procéder à une vengeance pour l'avoir pendant toutes ces années contraint à s'épuiser dans des courses sans fin, par tous les temps. Il était meurtri, marqué, traumatisé. Je l'entretenais sans en prendre soin. Il avait fini en quelque sorte par manifester son mécontentement réclamant certainement plus d'égard, de respect. Comme le disent ces onctueux psychothérapeutes, il faut savoir écouter son corps.