lundi 29 février 2016

Oint Oint

Des fois, je regrette. Je regrette de ne pas avoir fait d'études. Surtout lorsque je ne comprends pas. Il est vrai que l'expression faire des études n'a pas grand sens. Nombre de nos lettrés ne comprennent rien. Mais ce n'est pas en n'ayant rien appris que je saurai quelque chose. Toujours est-il qu'en lisant le journal ce matin je suis tombé sur la question suivante "La mode visant, en cas de césarienne, à oindre le bébé du microbiote vaginal maternel, a-t-elle une justification médicale?". Je n'ai pas su répondre.

dimanche 28 février 2016

Un soir au concert


Vendredi soir dans la petite salle du 106. Alors que dans la grande salle passait Caravane Palace, un groupe pour bobos si j'en crois Jorge. Toujours est-il que j'étais dans la petite. Non que je ne sois pas un bobo, mais j'étais là par hasard. Le hasard du bouche à oreille. Une bouche en particulier qui à mon oreille, la gauche, m'avait suggéré de prendre une place. C'est ainsi que vendredi soir j'ai pris place dans la petite salle du 106. Après une première partie qui ne s'est pas incrustée, sur la scène est arrivé Villagers, groupe irlandais dont la musique s'imprègne fortement de la tradition d'Erin. Placé au bord de la scène je n'ai jamais été aussi près d'un musicien, si ce n'est quand je bois une bière avec Jorge et Phil. Histoire de ne pas être totalement vierge, j'avais écouté quelques titres. Mais bon, chacun sait qu'entre studio et concert...Ce qui en ce vendredi soir s'est vérifié. Si à brûle pourpoint, on me posait la question Villagers c'est quoi?, je répondrais une voix. Que dit-on d'une voix? Celle de Conor O'Brien, au demeurant communicatif, est puissante, claire, sans entrave. Pour tout dire, elle est belle. Elle nous parvient comme une vague. Elle peut envahir l'espace, comme un grondement et finir par s'arrondir dans un murmure. Une telle voix doit être servie. Et contrairement à mes compagnons de concert, je n'ai pas été convaincu par tous les musiciens (ce qui est moins vrai pour les versions studio), musiciens au nombre de quatre. Un batteur. J'ai souvent des problèmes avec les batteurs. Il prennent souvent trop de place. Comme beaucoup d'autres, il manquait de nuances. Parfois boom badaboom. Un contrebassiste sobre, discret qui pouvait à lui seul assurer la rythmique. Un premier clavier aux sonorités électro planantes loin d'être indispensable. Un deuxième clavier, tenu par une jeune fille, harpiste à mi-temps. Pour tout dire, Conor O'Brien, guitariste et qui joue du clavier pourrait se suffire à lui-même. Mais peut-être a-t-il peur d'être seul sur scène. Quoi qu'il en soit, ce fut une très agréable découverte et soirée. Et comme il le chante "Everything I am is yours ".




Dans le bus

T5. Une ligne que je me fais. T comme transport. 5 comme parfum. Le parfum des rencontres. Le parfum des surprises. Habitué de la ligne, des visages me sont devenus familiers. Et pourtant, il ne m'est jamais venu à l'idée d'adresser la parole à leur propriétaire.
- Vous prenez souvent ce bus?
- ?
- Je veux dire, vous êtes une adepte de la ligne?
- ?
- Je crois que je suis arrivé.

Je me contente donc de regarder. C'est ainsi que l'autre jour, ou bien un autre, une jeune fille grimpe. Son nez est la première chose qui attire mon regard. Ou plutôt l'anneau qui traverse ses deux narines. Un anneau de section fine, d'une fixité argentée. Dans un habitacle déjà bien garni, elle tente de trouver une place et finit par la trouver près de la porte. Son sac coincé entre les jambes, il ne lui reste plus qu'à attendre. Son visage, qui jusque là ne laissait paraître aucune expression particulière, s'illumine. Elle vient de reconnaître un jeune homme. Aucun doute, cela lui fait plaisir. Douceur de son sourire. Il ne lui est pas indifférent. Elle s'approche de lui. Ils se font la bise. Elle lui parle. Il écoute. Mes écouteurs sur les oreilles, je regarde ses lèvres silencieuses remuer. Un peu de temps passe. Dans ses yeux à lui, comme une fascination étonnée. Je me dis qu'elle doit lui raconter des trucs transperçants. Je retire les écouteurs et j'écoute.  

"Tu me fais penser aux rumeurs de l'amour. Rumeurs de la résurrection dans le bazar des croyances. Une émergence faite de tentations réfrénées. Étonnant comme tu bruisses dans les battements de mon cœur. Je croyais t'avoir oublié. Il a suffit de se hasarder pour que je frissonne à nouveau. Je ne sais pas. Je ne sais pas si je dois m'en contenter. Si nous étions seuls, je me laisserais tomber dans la gueule du loup."

Le bus ralentit, puis s'arrête. Elle le regarde comme une première fois et descend. Quelques pas sur le trottoir, elle se retourne et lui sourit. Mais c'est autre chose.

Quant à lui, je ne sais pas trop.  

vendredi 26 février 2016

Crème anglaise

What the duck. It's five o'clock. Donald fuck. Pregnant. Remember Woodcock. Dick Cheney. Many rivers to cross. The back door. Wanna be your dog. Way down inside honey.  Custard pie. Cream sh-boogie bop. Black hole. Sushi is in the fly. Tutti frutti. Back to the moon. Burning sky. Ball on the pitch. B side. Shake for me, girl. I wanna be your backdoor man.

Qui sait

Avant quoi? Avant tout, sûrement. Après quoi? Après tout, pourquoi pas. Alors que ta voie (1) est impénétrable, les mots n'ont plus voix au chapitre. Tu écris en vain dans l'ivresse des pages. De tables sans matière aux faces B, tu compiles le vide. Tu te retranches dans les bibliothèques. Dans les allées le soleil s'éparpille . Licencieuse dévoreuse, tes lèvres demeurent closes. Tu griffes le vélin de tes ongles roses. Tu déclames des poèmes dans des friches riches. Tu cries les écorchures de nos murmures écaillés. Tu te perds seule. La douceur perdure dans tes esquives. Fragile, tu flottes dans le vent. A peine, sur le reflet des fresques tu pleures. Ton chagrin s'estompe entre les tombes. Fervente, il te reste à faire une croix.
(1) je sais

jeudi 25 février 2016

Saint siège

Hier, alors que le soir était proche, j'ai pris le bus. C'est un mode de transport que l'on emprunte en commun sans pour autant être ensemble. Il faut d'abord l'attendre. Attendre et prendre.  Dès que le bus est en approche, naît aux abords de l'abri du même nom une agitation qui peut laisser place à de la nervosité si l'attente s'est un tant soit peu prolongée. Certains des usagers tiennent absolument à avoir une place assise. Pour ces adeptes du transport individuel en milieu collectif, il est primordial d'évaluer avec le plus de précision possible l'endroit où s'arrêtera le bus, ce qui permet de se trouver face à l'une des ouvertures. Ceci fait, il est vital de se placer le plus près possible du bord du trottoir sans risquer pour autant d'être percuté par le bus. Il faut à l'occasion être capable de défendre sa position préférentielle car la concurrence peut être rude. Le bus s'arrête à l'endroit prévu. Il faut rester vigilant car tant que vous n'êtes pas assis, rien n'est gagné. On aborde ici le point le plus délicat de la conquête. Vous voulez monter dans le bus le plus rapidement possible mais il vous faut tenir compte de ceux qui veulent descendre et qui, parfois, peuvent se révéler très nombreux. S'il vous reste un soupçon de savoir vivre, vous allez faire un pas de côté pour les laisser passer. L'erreur du débutant car l'espace ainsi libéré est, dans le dixième de seconde qui suit, occupé par un de vos concurrents. Pour rien au monde vous ne devez bouger. Il en va de votre confort. Quitte à vous exposer à quelques frottements corporels, vous ne cédez pas un pouce de terrain. Dès que la voie est libre, dès qu'un espace vous permet de vous faufiler, vous vous introduisez dans l'habitacle. Même si vous êtes le premier, il y a une dernière erreur à éviter, à savoir l'hésitation. Si vous hésitez, un plus déterminé que vous occupera la place que vous convoitiez. Après avoir posé vos fesses, il est conseillé de regarder par la fenêtre. Ainsi vous évitez le regard des personnes âgées, des femmes enceintes, des infirmes en tous genres, des handicapés et autres assistés qui convoitent votre place qui n'est que la juste récompense de votre opiniâtreté, de votre volonté de vous faire une place en ce monde. Car vous avez compris que si ce n'est pas vous, ce sera un autre. 

mardi 23 février 2016

Sauvage

Dans le froid étroit. Dans le vent dément, le démon du rejet. Dans la boue de l'oubli, au bout du jour.  Le mensonge des mots plonge dans le cœur. Dans les yeux, le songe se prolonge. Le regard se porte par delà. Sur les pages du voyage, les ratures sont comme des rails qui se perdent dans la marge. La rage s'épuise au fond de l'âme. Les lueurs de la peur éclairent le sommeil.  Le regret s'engouffre dans les rêves. Demain s'efface dans la brume de mer. La brise repousse les cris. L'autre terre disparaît, se terre dans le couchant. L'étrange est si proche. Les visages se jouent des ombres. La vie refuse d'être un souvenir. 

lundi 22 février 2016

Comme un os

Il est des jours où je me demande. Je me demande, comme aurait presque pu le dire Louis XVI, mais où ai-je la tête? Hier, j'ai découvert, shame on me, alors que j'étais le centre du monde, chacun son monde, que le 21 février 1916 débutait la bataille de Verdun. Il m'a fallu 59 ans. Les premières années, je ne dis pas mais après. Comment ai-je fait pour toutes ces années passer à côté. 300 000 morts en 9 mois. 9 mois pour répandre la mort.
Mais tel n'est pas directement le sujet. Hier midi, comme tous les dimanches, l'air de rien, innocent, ce qui pour un catholique n'est pas le moindre des exploits, je vais chez Jean-Christophe. Jean-Christophe est mon boucher. Nous avons cette curieuse pratique de faire nôtres ces personnes de notre quotidien. Mon boucher, mon coiffeur (pour ce qui me concerne c'est de l'histoire ancienne), mon boulanger, mon garagiste... Toujours est-il qu'à peine entré dans la boucherie Jean-Christophe m'interpelle.
" T'as vu, ils ont recommencé. Ils ne peuvent pas s'en empêcher. A chaque fois c'est pareil. Et encore, si on avait un droit de réponse. Et même. C'est quand même incroyable de jeter ainsi le discrédit (Jean-Christophe a des lettres) sur toute une profession."
A la vue de mon regard interloqué, il prend conscience qu'il manque un wagon.
"Je ne vais pas te l'apprendre, aujourd'hui c'est le centenaire de la bataille de Verdun. Bon. Tu n'as rien remarqué? Il n'y a pas quelque chose qui t'a choqué? Je vois que ça te passe au-dessus de la tête. (Jean-Christophe est assez familier avec le client). Et bien, si tu étais un tant soit peu observateur tu aurais remarqué que dans les journaux, à la radio, à la télé, sur internet fleurit le titre "Verdun, une vraie boucherie". Tu te rends compte. 300 000 morts, une boucherie. Un massacre, une tuerie, une folie, une catastrophe, un charnier je ne dis pas, mais une boucherie? Qu'est-ce qu'il fait l'artilleur? Il balance ses obus et il ne s'occupe plus de rien. Résultat, des corps disloqués dans tous les sens, de la bidoche éparpillée, du sang, des boyaux, des bouts de cervelle, des membres arrachés. Et ici, qu'est-ce que tu vois? De la viande bien découpée, bien présentée, bien identifiée dans un présentoir bien achalandé, faux-filet ici, entrecôte là. Ce que tu vois là, c'est l'amour du travail bien fait. Tu en connais toi, des artilleurs meilleur ouvrier de France? Je vais te dire, il y a des jours où je me demande."

dimanche 21 février 2016

Un soir au cinéma

Il est des films où tout est là. Sur l'écran. Inutile d'aller chercher ailleurs. Inutile de partir à la recherche de références, de messages subliminaux. Inutile de regarder derrière l'écran. Des films qui racontent une histoire. Une histoire plutôt simple même si elle parle de la vie. Hier soir, je suis allé voir un de ces films. Un film qui vous permet de tout laisser à l'entrée. Un film qui ne vous oblige pas à être sur le qui-vive. Pour tout dire, un film premier degré. Dès la première seconde vous avez identifié l'héroïne, puisqu'il s'agit d'une héroïne. Il ne vous reste plus qu'à la suivre. Ce que j'ai fait volontiers.
Pour résumer, notre héroïne, libanaise, découvre la vie. Le sexe, l'amour et inversement. Les hommes, avec tout ce que l'on peut émettre de réserves. Heureusement pour nous, elle aborde chacun d'eux comme s'ils étaient uniques. "J'en vois une qui rigole". Ne le sont-ils pas? Quoi qu'il en soit, elle vit et comme l'on ne peut pas vivre seul... Parfois, elle perd le contrôle. Elle se heurte. La vie l'emporte. Mais on la retrouve plus loin, parfois hésitante mais sans crainte. Elle ne se laisse pas écraser entre le passé, celui des autres, et l'avenir. Elle rit, elle bouge, elle aime dans l'instant. Elle est là et pas ailleurs. A propos de temps, nous sommes en 1993. La bande-son se laisse écouter. Elle évoque. Niagara, Franck Black, Siouxsie and the Banshees, Etienne Daho...
Voilà. J'ai aimé.

samedi 20 février 2016

Un soir au cinéma



Comme quoi, il arrive que nous nous fassions des idées. Il y a quelques jours, j'étais de passage dans la cité de notre prochain président. Il est encore sur les rives du pouvoir dont il voit le flot s'écouler vers l'océan. Il pleuvait. Pas tout le temps mais suffisamment pour dissuader, pour dissuader de se baguenauder, pour choisir l'abri. Mais quel abri choisir. Nous sommes d'accord sur le fait qu'il doit être culturel. Soit. Culturel mais pas trop quand même. Après un passage en revue des possibilités offertes, nombreuses au demeurant, nous nous retrouvons devant l'entrée d'un cinéma (Utopia Saint Simeon que je ne saurais trop vous recommander)
Et là, il faut à nouveau choisir. Les questions se succèdent. Il est quelle heure? Qu'est-ce que vous voulez voir? Qu'est-ce qu'il y a? Ça dure combien de temps? Ça dépend, qu'est-ce que vous voulez faire après? T'es sûr, j'ai pas lu de bonnes critiques? Bon alors, qu'est-ce qu'on décide? D'accord, on a qu'à aller voir ça.
Ça, c'est Anomalisa. Les critiques sont unanimement positives. J'aurais dû me méfier. Par je ne sais quel truchement, film d'animation m'a fait penser à mon enfance, qui n'a pas été si malheureuse que ce qui a pu en être écrit ici ou là, à Disney, aux faons, aux princesses alanguies et allongées, aux princes charmants penchés sur le visage de leur promise. Je m'attendais à des bisous, à des larmes à l’œil, à des regards langoureux, à des sniff-sniff, à des châteaux étincelants, à des "et  ils eurent beaucoup..." 
Mais à l'arrivée, rien de tout cela. Il y avait bien une sorte de château mais qui aurait fait partie d'une chaîne hôtelière. Un prince mais nourrit aux hamburgers et à l'haleine fétide d'alcoolique. Une princesse dont on préférerait qu'elle s'endorme pour de bon. Comme le dit un de mes beaux-frères quand il ne comprend rien à un livre ou à un film, je ne suis manifestement par rentré dedans. Ambiance interlope, personnages pathétiques dont les malheurs, les états d'âmes, les quêtes m'ont laissé indifférent. Pas de méchants, pas de gentils. Des paumés et des cyniques. Une impression de malaise.
 Je n'ai pas versé de larmes. 








jeudi 18 février 2016

Un soir au cinéma



Il est des cinéastes dont je vais voir les films sans réfléchir. C'est reposant. Je n'hésite pas, je ne tergiverse pas. Je ne m’embarrasse pas de l'avis des critiques, j'y vais. J'y vais persuadé que je vais aimer. Ainsi hier soir, j'entre dans le hall. Je me dirige vers la caisse. J'annonce le titre du film. Je prends le ticket qui m'est tendu. Je me dirige vers l'ouvreuse, qui jamais plus ne propose d'esquimau (ça fait longtemps que je n'en ai pas mangé), qui m'indique le numéro de la salle. Je m'y retrouve et jette un œil pour voir si je distingue quelqu'un de connaissance. Je choisis le siège et prends place. A chaque fois j'ai l'espoir, toujours déçu, que nous aurons droit à un court métrage.
Donc, hier soir, après les bandes annonces, qui en 40 secondes vous transforment une daube en chef-d’œuvre, commence "Ave César" des frères Coen. Avec ou sans esquimau je ne doutais pas que ma gourmandise serait satisfaite. Pour tout vous dire, chez ces frères là, j'aime tout. Sans réserve. Même ce que je ne comprends pas. Et chez eux ça fait du volume. D'un sens, s'ils le découvraient, peut-être seraient-ils frustrés. Je suppose qu'ils prennent beaucoup de soins pour ce qui est de la mise en scène, des détails, des références, des clins d’œil et autres subtilités. Et dans une salle, un quidam passe à côté de la moitié de ce qu'ils ont voulu transmettre.
Toujours est-il que j'étais prêt à sourire, à rire, à goûter, à être béat. Tout comme un chauve qui était assis trois rangs plus bas l'a fait remarquer, je ne me suis pas ennuyé. Même si, contrairement à d'autres, je ne suis pas sensible aux cuisses de Georges Clooney, je l'apprécie quand son rôle ne repose en rien sur son physique. Il joue si bien les abrutis. Je ne me lasse pas de le v
oir dans O'Brother. Je ne passerai pas tous les autres acteurs en revue de Josh Brolin, pile poil avec sa moustache, à Alden Ehrenreich qui joue à la perfection l'acteur qui offre sa bonne volonté en guise de talent en passant par Scarlett Johansonn starlette dont le charme a fondu dans la piscine. Pour utiliser une formule pratique, tout ce qui fait le cinéma des frères Cohen était là.
Le film se termine. Je n'ai pas vu le temps passer. Et pourtant... Et pourtant, tout en regardant défiler le générique, je ne peux m'empêcher de me dire qu'il manque quelque chose pour que toutes les scènes fassent un tout. Je serais bien en peine d'écrire une critique structurée, argumentée, subtile qui mettrait en évidence ce qui me laisse sur ma fin. Pourtant je ressens comme un vide, une insatisfaction. Mais peut-être suis-je quelque peu passé à côté. Ce que j'aurais de mieux à faire est de retourner le voir. Il est inconcevable que je puisse être déçu par les frères Coen.
      

mercredi 17 février 2016

Bonjour Globe Runners

Merci d'avoir couru jusqu'ici.(terrain gras)

Lana

A tort et à travers
Quand je te traverse
C'est l'amour
A rebours
Dans un corps à corps
Ça se termine dans le décor
Dans le chemin de travers
La tête en l'air
A  l'envers à l'endroit
C'est toujours tout droit
On joue à touche-touche
On se dit bouche à bouche
Et tous les mots se couchent 
Au plus profond
de la passion
Du temps où farouche
Ma langue fourche
S'égrainent les fleurs
Au pied de l'âme en pleurs
  

mardi 16 février 2016

La première note (remasterisée)

Une chambre d'hôtel. Il est assis sur le bout du lit. Une sorte d’extrémité molle. De ses ongles, il frôle les cordes. Sur un meuble est posé un métronome. Il regarde le mouvement qu'accompagnent des points sonores. Il ne joue rien de précis comme s'il attendait l'inspiration. Lui reviennent les premiers accords de "Butterfly collector".  S'il a bien suivi, c'est le dernier concert ce soir. Il quitte des yeux sa guitare. Une glace est accrochée au mur. Il est fatigué. Son visage s'encadre. Ce n'est pas un chef-d’œuvre. Il n'est pas né de l'inspiration d'un artiste. Sa tête ne lui plaît pas. Il se demande comment il en est arrivé là.

  Sur le côté, à quelques mètres une porte qui donne sur un couloir. Il l'a empruntée tout à l'heure. Il n'a croisé personne. En sortant de l'ascenseur il a mis le pied sur la moquette. L'ascenseur est monté directement au cinquième. Personne n'y a pris place en même temps que lui. De l'index il a fait clignoter le cinq. Il est entré dans la cabine. Il a appuyé sur le bouton et la porte a coulissé. La femme à l'accueil lui a indiqué le métal argenté. Elle lui avait confirmé qu'il y avait bien une réservation pour lui. Elle a souri quand il lui a donné son nom. Sans trop savoir pourquoi, il a toujours cette angoisse qu'aucune chambre ne soit réservée. Le chasseur lui a fait une sorte de révérence. En entrant dans le hall il a cherché quelques détails qui pourraient stimuler sa mémoire. La façade ne lui disait rien. Il a levé les yeux. Il a senti les gouttes d'une pluie froide. Il a ouvert la portière du taxi. La buée sur la vitre masquait en partie l'extérieur. Il remet la guitare dans son étui.

Il aime se faire conduire. Il n’a pas à choisir l’itinéraire. Il peut laisser son regard dans le vague, être ailleurs. Il échappe à chacune des secondes le long des rues qu’il ne connaît pas. Les façades se succèdent mais il ne s’en souviendra pas. Il se met sur le bas côté et laisse les autres prendre des décisions. Cela lui rappelle une période de son enfance. Chaque matin son père l’emmenait en voiture à l’école située à plusieurs dizaines de kilomètres de leur maison. Il détestait l’école mais il adorait faire le trajet qui l’en séparait. Après avoir pris bien soin de ne pas trop se réveiller, il prenait place à côté de celui qu’il imaginait être son chauffeur. Il s’emmitouflait dans son manteau, rabattait sa capuche et attendait que le bruit du moteur et la chaleur le fassent replonger dans le sommeil. Cela lui donnait parfois l’impression d’être sur le bord du temps. La voiture allait ralentir jusqu’à ce que le trajet s’approche de l’éternité. Son père lui disait qu’il ne lui manquait que les piquants et il serait un hérisson. « Tu crois que j’en aurai un jour ? »

Comme le chantait Plant "You must stop de train". Elle est sûrement désaccordée. Il la caresse du regard. Débranchée, elle lui transmet des vibrations. Il aime cette rugosité sur l'extrémité de son doigt. Il descend, remonte. Son index glisse sur une corde. Le corps se dissimule dans l'ombre du siège avant. Il le devine entre ses pieds. Le manche émerge entre ses cuisses.Le symbole n'a jamais fait que l'effleurer. L'étui s'ouvre en deux. Le zip de la fermeture se sépare.De sa main, il la sent au travers du tissu. Elle est là, sur le côté.  Il a besoin de la savoir proche. Il ne résiste jamais bien longtemps. Il peut trouver l'enchaînement des accords à tout moment.

Il se souvient de sa première guitare. Elle l'encombrait. Ce fut un accessoire avant d'être un instrument. Il s'installait devant une glace et essayait d'imiter les postures de ses idoles qu'il trouvait dans les magazines de son père. Ses cheveux trop courts étaient une limite à la ressemblance. Un peu plus tard, lorsqu'il parvenait à être seul, il regardait "The song remains the same" et reproduisait la chorégraphie du guitariste. Au début, il fut incapable de jouer et de bouger en même temps. Il aimait sentir la guitare contre son ventre, la sentir bouger, se balancer. Il refermait sa main sur le manche, sentait les corde s'incruster dans ses phalanges. Même si pendant de nombreux mois ce fut un instrument de frustration, incapable qu'il était de tenir le rythme, il se sentait différent des autres.

Il ne se souvient pas de sa première note. Il n'y pense pas vraiment. Il imagine son pouce sur l'une des six cordes. A-t-il hésité? Une note, sans savoir laquelle. Une première note indifférente. Quelle fut la première note de l'humanité? Tout ce qu'il a lu,vu, entendu sur nos origines refait surface et lui permet de construire une histoire.  Il imagine un homme (pourquoi un homme?) nu qui avance dans la savane. Il fait chaud. Devant lui l'immensité du plat. A force de marcher il s'est éloigné des siens pour finir par les quitter. Il ne le sait pas mais il est seul. Peut-être n'a-t-il pas cette conscience de la solitude. Il est poussé vers l'avant, une sorte d'au-delà. Ses pieds se mêlent à la poussière. Quelques nuages blancs qui semblent hésiter à poursuivre leur route. Le soleil s'est plusieurs fois couché quand il arrive au bord de ce qui pourrait être une falaise. Il est à l'extrême du plateau de ses origines. Sous lui, le vide est comme une marche de géant. Il regarde droit devant lui. De son regard il repousse l'horizon jusqu'à le faire disparaître. La première fois qu'il peut voir aussi loin. L'envahit un sentiment de liberté absolue. Il devient le créateur d'un paysage. Il ouvre les bras et lance ce qui jusqu'ici était un cri et qui devient un hymne. Ses cordes vocales vibrent de longues secondes. Il reprend son souffle et recommence. Il découvre qu'il peut faire varier l'intensité. Il sourit. Il est heureux. Ce pourrait être l'origine de la première note.  

" L’origine. Existe-t-il une origine de tout, une origine d’un tout, un lieu d’où tout serait parti. Un élan qui se serait diffusé, qui continuerait de se propager sans que l’on puisse l’entraver, qui nous emporterait. Nous serions des morceaux d’origine, des grains de poussière. Il semble qu’il n’y ait pas d’origine paisible. L’origine serait un instant, le premier instant de chaleur. L’origine est un « one shot ». L'expulsion définitive qui arracherait la porte du hasard. Une création primitive. Une note de musique qui se dilate à la recherche d'une oreille. Une projection de soi, puis l'attente. La puissance d'un désir. Le plaisir de se désintégrer. La promesse de ne plus avoir peur, d'être l'horizon. Le baiser d'un souffle qui me fait frisonner, qui fait fondre l'hésitation. L'origine est l'expression de la passion. L'amour qui m'absorbe." Il repose son carnet et son stylo. Il se souvient.

Il se souvient de sa première chanson.  Il l'avait composée au milieu des volutes. Carole son amie de l'époque en avait trouvé le titre. "Un aller simple pour l’encéphale". Peut-être en souvenir de "Amphetamine annie". Ils s'étaient rencontrés à un concert des Dogs. Ou plutôt à la sortie. Déjà loin du voisinage. Ils n'envisageaient rien qui aurait pu entraver. Rien qui les figerait sur une plaque. Ils accompagnaient un mouvement fait d'élégance et d'acharnement. Un mouvement qui se débattait dans l'aube. Comme le déferlement de "Teenage kicks". Les doigts dérapaient sur les cordes. Ils se retrouvaient dans l'épuisement. Elle lui souriait sans illusion. Elle tenait le rôle d'un commencement. Comme le prolongement d'un riff qui lui rappellerait. Par la suite, il rencontra le fracas, le hasard qui le propulsa. Avec l'aide d'un producteur du cru, son inspiration se retrouva dans le sillon. Emporté par la rupture, il devint une première partie recherchée, la plupart du temps de groupes qu'il n'avait jamais entendu et qu'il n'écoutait pas. Sitôt son set terminé, il quittait les lieux.

Il composait, expérimentait dans une solitude qui s'imposait. Il se passa plusieurs semaines avant qu'il ne prenne conscience que Carole ne se mouvait plus dans sa sphère. Il lui avait pourtant chanté "Can't take my eyes off you". Elle lui inspira "Je suis vieux, je l'ai vu dans tes yeux". Même si elle était le premier jour de sa vie, il l'oublia. Peut-être avec regret. Il se détacha. Consacra son temps, le temps à la musique. Pendant les tournées, il était accompagné, entouré, il ne savait trop, de musiciens qui ne semblaient avoir pour seule fonction que d'occuper un espace sur la scène. Il trouvait les salles toujours trop grandes. Elles étaient comme une séparation. Une partie de sa musique se perdait dans ce trou noir. Comme si son âme s'évaporait. Pourtant, il se laissa entraîner dans le gigantisme qui se terminait par cette tournée des stades.

Il restait une date. Celle de ce soir. Il sentait qu'un cycle était sur le point de se terminer. Comme s'il allait laisser une peau desséchée sur les planches en quittant une dernière fois la scène. Il commencerait. Autre chose. Il aimait l'énergie des commencements. Le flottement des hésitations. Ce temps entre. Il se souvenait des soirées avec ses amis gratteurs. Phil dont il avait toujours admiré le toucher, le frôlement. Jorge qui avec trois "lalala" vous glissait une mélodie britpop dans les oreilles. Juan-Baptista mu par cette énergie qui lui rappelait Strummer. Loïc l'écho des boum-boum, vibrant des profondeurs. Pendant que les cadavres finissaient par joncher la table, ils prenaient plaisir à rendre hommage aux derniers disparus. Souvent Phil, avec un sourire de l'au-delà, était le premier à leur proposer des accords. Ils se laissaient entraîner. Il se souvenait particulièrement de leur reprise de "Cortez the killer". Elle se prolongeait. Encore. Il ne les avait jamais entraînés hors de cette intimité vespérale.

Ce soir, il ne partage rien. Une intimité solitaire. Encore un concert. Le dernier. A l'origine, il devait en faire 66. L'idéal d'une campagne marketing. Ils avaient imaginé un graphisme à la Easy rider avec le titre "On the Rock 66". Qu'aurait-il pu faire d'autre que refuser? Soixante étaient bien suffisants. Il n'en fera pas un de plus. Malgré les apparences, c'est déjà trop. Il peut dire non. Ne plus entendre le grondement de cette masse indistincte. Et puis... Il se lève. Prend la mesure du métronome. S'offre un sourire. Qu'aurait-il à faire de demain? "Do you remember the first time".

mardi 9 février 2016

Déjà

Le fil de la vie s'enroule. La ligne s'enfuit. La vie s'enfouit. Dans le secret des crêtes. Dans le parfum des jardins. Comme la caresse d'une chanson de Jesse Daniel Smith.

lundi 8 février 2016

Euh...

Je ne sais plus durant lequel, mais cela s'est passé un récent matin. J'aurais dû me méfier. Le simple fait de me réveiller guilleret était un indice suffisant pour faire preuve un tant soit peu de circonspection. Je n'y ai pourtant pas prêté attention. Au mieux, d'habitude je me lève accompagné de ma propre indifférence. Tout s'accomplit en dehors de toute volonté, dans l'élan du premier pas. Mais ce matin là, j'avais l'impression d'avoir pris une douche avant même d'être sorti du lit. Vêtu de ma seule légèreté, sautillant je suis allé jusqu'à la salle de bain. J'ai allumé la radio. Et là... Il est des comportements que l'on ne s'imagine pas adopter un jour, des comportements que même notre imagination ne peut concevoir. Et là j'entends Adamo répondre aux questions d'un journaliste. Sa carrière, son public, ses influences, ses chansons. Le tout se termine par une chanson qui, selon la formule consacrée, est extraite de son dernier disque. Introduction, premier couplet, refrain et que vois-je dans la glace qui me fait face? Un gars qui, toutes inhibitions disparues, ondule des hanches, entraînant tout le reste de son corps dans un balancement sans équivoque. Et, les digues retenant le ridicule ayant complètement cédé, le même gars se met à chanter   "Bruno a épousé Lola pour ses supers lolos. L'amour n'a jamais tort. L'amour est le plus fort".
J'ai pris une douche froide.  

dimanche 7 février 2016

Un soir au vernissage





                                                                  Fibre sensible
Vendredi soir a eu lieu le vernissage de l'exposition de Catherine Bernard. Le thème du secret, de l'âme, du secret de l'âme, de l'âme au cœur du secret. Sensible.

Un soir au concert

Comment vous dire? Il arrive qu'en toute bonne foi on pense savoir. Ce qui se traduit par des "Mais si, je t'assure" "T'es sûr, parce que moi j'aurais pris à droite" "Tu vas voir, c'est beaucoup plus rapide par là" "Bon bah, comme tu veux mais viens pas dire après..." Le plus amusant c'est lorsque personne ne sait mais que tout le monde croit savoir sauf celui qui conduit. C'est ce qui nous est arrivé vendredi soir en arrivant au Havre. Nous avions tout bon jusqu'à la plage et là le grain de sable. Accompagné d'un péremptoire "C'est par là!" Jorge a tendu le bras vers la droite. Une voix venant de l'arrière a bien tenté d'émettre un doute mais en vain. Quelques centaines de mètres plus loin, nous avons eu le droit au traditionnel "C'est bizarre, je ne reconnais pas". Le bison n'était pas futé. Nous avons quand même fini par trouver le fort de Tourneville et y pénétrer. Compte tenu de la sensibilité militaire du bâtiment, nous parlerons plutôt d'une percée. Conséquence des tergiversations "itinéraisques" nous avons découvert un buffet déjà bien entamé. A défaut de galettes et autres côtes de bœuf, nous nous sommes graissés les doigts avec les chips.
Ceci dit, nous n'étions pas là pour nous empiffrer mais pour le concert de Grapes. Nos quatre musiciens avaient organisé cette soirée pour la sortie de leur nouveau 4 titres. C'est aux terrasses du jeudi que pour la première fois j'ai entendu Grapes. Il pleuvait, il faisait froid, il y avait du vent et de fait il n'y avait pas grand monde. Comme si de rien n'était, ils avaient assuré. Et puis, à plusieurs reprises, si ce n'est souvent, le plaisir m'a été donné de les écouter. Si je voulais être bref, je dirais que c'est de la pop servie par des musiciens à la technique sûre et élégante. Mais je n'aurais rien dit, ou si peu. Donc, vendredi soir, bien que devant faire avec un son que j'ai trouvé moyen, ils ont fait preuve d'un sens inné de la mélodie. Ces mélodies que l'on chantonne, qui provoquent le dandinement (voir la vidéo), qui vous font onduler et que l'on trouve toujours trop courtes. Oui, bien sûr, à l'occasion ils savent, à coup de marteau, laisser une empreinte un peu plus profonde dans les pavillons mais toujours avec élégance, l'air de ne pas y toucher. Dans cette ambiance, pour partie familiale et généalogique parfois quelque peu dissipée, chacun aura reconnu ou découvert ce qu'il aime le plus, entendre la musique qui nous fait oublier.
Vous allez vous dire "Quel laudateur, le gars!". Que nenni. Peut-être... Peut-être que.. Peut-être qu'un peu de folie aurait été une note de bon aloi. D'autant plus, que certains morceaux s'y prêtent et que l'on sentait nos quatre artistes prêts à y succomber.
Pour terminer, je vous conseille d'écouter leur LP qui permet de goûter à tout.     

vendredi 5 février 2016

Subrepticement

La mémoire au fond du tiroir. Ouvrir pour découvrir. Épars, les souvenirs s’éloignent. Tu n’es plus d’ici, lézard que le bruit effraie. Te souviens-tu même de la chaleur? Des pierres de l'indolence? Du crissement des pas? Je surprenais ta fuite. Tu disparaissais. Un vert qui ondulait parmi d'autres. J'avais renoncé à t'attraper. Je ne faisais plus que semblant. J'aimais que ce soit toi qui ait peur. J'imaginais ton cœur battant. Peut-être la crainte. Dans le vent paisible s'égrenait le bruissement des fleurs. Je finissais par t'attendre. Cette patience transmise par le temps. Même si c'était en vain. Je te savais quelque part. Je reviendrais plus tard. 

mercredi 3 février 2016

Un peu plus bas s'il te plaît (texte à caractère vulgaro-pornographique)

- Nous les mecs, dans le fond, tu sais de quoi on a besoin?

Ainsi m'interroge mon collègue Robert. Il a l'art de me poser des questions auxquelles il n'attend aucune réponse de ma part. Je ne me donne d'ailleurs pas la peine d'en chercher une. Alors je le laisse. Je le laisse répondre à ses questions. A chaque fois qu'il entre dans le bureau, il balance une vanne de cul. Le genre de vanne qui crée le malaise. Mais bon...

- Nous les mecs ce qu'on veut c'est du cul. C'est pas difficile à comprendre. Je sais ce que tu vas me dire, que c'est pas respectueux des femmes. Détrompe-toi. Dans la société...

Il a toujours, en toute circonstance des théories adaptées à ses propos. Il me les sert. Elles n'ont pas pour objet d'alimenter le débat. Elles n'ont qu'un objectif, étayer, légitimer, crédibiliser ses propos. Elles surgissent quand il sent que ce qu'il vient de dire peut provoquer la désapprobation.

- Dans la société, nous les mecs, on a deux missions. D'abord, participer à la procréation. Tout le reste c'est de l'habillage. Je sais qu'on dit que les hommes ne pensent qu'à ça, comme si nous étions les seuls. Tu crois que les femmes ne parlent que chiffons? Mais surtout ce qu'il ne faut pas oublier c'est que depuis les temps les plus reculés de la préhistoire, nous les hommes, on a évolué. Au début, je te parle de ça du temps des grottes, on était des exclusifs de la levrette, sans savoir que ça s'appelait comme ça. Compte tenu du nombre élevé de prédateurs qu'attendaient qu'un moment d’inattention pour nous boulotter, on avait pas de temps à perdre, fallait aller à l'essentiel. Et puis, tu vas peut-être me trouver vulgaire, mais on aura beau dire, aujourd'hui encore, c'est par derrière que c'est le plus pratique. A moins d'être vraiment maladroit, t'es quasi sûr de pas rater ton coup. Et puis ya un truc infaillible pour être certain d'être dedans, c'est quand le bassin de la fille effectue un petit mouvement brusque en avant comme si elle était surprise. Et ça, c'est un reste de la femelle préhistorique parce que elle, elle était pratiquement toujours surprise. C'est génétique, ça se transmet de génération en génération. Et puis tout ça, ça a évolué gentiment. Comme on craignait moins les prédateurs de tous poils, nous les mecs on a commencé à faire preuve d'imagination. Ce qui fait qu'on a pu réaliser notre deuxième mission, à savoir procurer du plaisir. Pour le coup, je ne suis pas sûr qu'on ait fait une affaire. J'ai lu un truc là-dessus dans Femmes pratiques.


Tu vois, depuis on est condamné à les faire jouir. Je vais te dire. Moi, à chaque fois que je m'apprête à fourrer, je ressens comme une angoisse. Comme si j'allais passer un examen. Même si ça dure pas longtemps, je me demande si je vais atteindre l'objectif.  Et pourtant, tout comme il y a des mecs qui ont l'oreille absolue, moi, j'ai la queue absolue. Avec moi, à tous les coups elles touchent le gros lot.

Mais maintenant, autant, fut un temps où j'y allais franco, je ne me posais pas de question et là je peux te dire que j'en ai fait gueuler plus d'une, autant depuis quelque temps, faut respecter un protocole, faut aussi remplir la check-list des préliminaires. C'est à peine si faut pas être certifié ISO 9069 pour avoir le droit de baiser. Je vais te dire, des fois je laisse tomber. Je remballe l'engin avant forage.
Pourtant, c'est pas faute de m'être renseigné. Je lis des magazines féminins. Ces trucs en papier glacé qui entre deux pubs pour des petites culottes sont bourrés d'articles de cul du genre "Comment grimper aux rideaux avec un doigt", "Le fist-fucking et constipation, remède miracle?", "L'orgasme, mythe ou réalité?" ou "Les préliminaires, seulement le samedi soir?". Je les lis tous, de Elle à Biba en passant par Grazia. Sauf celui qui s'appelle sucrette ou socquette, je ne sais plus (il parle de Causette). Avec elles, le port de la bite est prohibée. De vraies furies. Avec elles, si t'es un homme t'es forcément coupable.
Bon, toujours est-il que je me suis rencardé sur les préliminaires. Je peux te dire que j'en connais un rayon. Autant nous les hommes on est opérationnel en trente secondes, autant elles, s'il faut en croire les magazines, il leur faut un certain temps. Et c'est là le problème. Ça varie d'une femme à l'autre. Tu vois, ça va cinq minutes les préliminaires mais le problème c'est de savoir quand c'est terminé et qu'il faut passer à autre chose. Et puis, je vais te dire, avec leur putain de zones érogènes qu'il faut absolument titiller, y a de quoi se perdre en route.

- Chaque femme est unique, lui dis-je.
 Je n'avais pas mieux.

-Tu vois, c'est une question de rencontre. Par exemple, quand j'ai envie de me faire une vendeuse, j'aime bien les vendeuses, j’achète des caleçons et je me présente à la caisse avec. L'air de rien, ça crée une proximité, un lien. Je lui fais passer un message. J'ai recours à ses conseils. Je lui demande si elle pense que c'est ma taille, que je pourrais peut-être en essayer un pour voir. Tu vois, je fais dans la suggestion.

-Je vois.

- Tu vois, l'autre jour, dans une soirée je rencontre une fille. Elle était pas canon, mais j'étais plutôt bien disposé à être son obus. Je me sentais attentif. Toujours est-il qu'à un moment, on se retrouve tous les deux. Après quelques regards et deux ou trois phrases, histoire de faire connaissance, on atterrit sur la banquette arrière de ma voiture. C'est pas des plus confortables mais il y avait urgence et puis ça m'a rappelé... Quoi qu'il en soit, je me suis astreint à mettre mes lectures en application.

- Bon bah, il faut que j'y aille (quelle phrase).

- Attends, j'ai presque fini. Donc dans la liste des préliminaires je choisis le cunnilingus. C'est du gagnant-gagnant. Soit dit en passant, j'adore la connotation scientifique de ce mot surtout quand tu sais ce que ça recouvre. Et puis, si je puis me permettre, ce truc est une sorte de deux en un. C'est jouissif et ça prépare le terrain. Quand il s'agit du cul, il faut toujours préparer le coup d'après. Bon, je te passe les détails.

- Merci.

- Tu me connais, je me donne à fond. Je prends à peine le temps de respirer. Je me concentre sur le clitoris et renonce à la phase d'exploration. Sur le coup, je suis sûr d'avoir fait le bon choix. Quand tu lis les magazines féminins, toutes les femmes sont clitoridiennes. C'est du cent pour cent. Tu ne peux pas rater ton coup. Autant le point G est une légende urbaine Cinq minutes passent et j'entends une voix qui me dit "Un peu plus bas s'il te plaît, je ne suis pas clitoridienne."

- Pas de bol, dis.


    

lundi 1 février 2016

400

  Ce devait être un matin. Plus ou moins là, j'écoutais la radio. Comme souvent, mon attention s'égarait. Les phrases me parvenaient tronquées. Les propos étaient constitués pour une grande partie de formules toutes faites qui édifient le prêt à penser. Des culs-de-sac de la pensée, de la réflexion, de l'intelligence. Malgré ma résistance, il m'arrive d'ingurgiter sans réfléchir, comme si rien ne se cachait, comme si rien n'était dissimulé. Et ce matin-là, deux mots, probablement tombés par hasard dans une autre case de mon cerveau, une de ces cases qui s‘allument, qui triturent, qui débusquent, qui ne s’en laissent pas conter m’ont sorti de ma léthargie. Deux mots que j’avais fini par accepter tel quel, comme une évidence, comme une fatalité. Des clous qui s'enfoncent. Blabla le coût du travail blabla. Mais c'est bien sûr, c'est le coût du travail. Le travail, oui. Le coût, non. Le travail a un coût, c'est ça le pire. Le travail n'est plus ou n'a peut-être jamais été une richesse. Il coûte. Il coûte toujours trop cher. A tous les coups. Les coups qui s'abattent. Les abattements de coût. Le travail à l'abattage. Déraciné et mis en coupe. C'était déjà beaucoup pour un matin. Je n'avais pas prévu de me recoucher.
Tout à ma réflexion, j'avais laissé mon thé refroidir. C'était cher payé pour si peu.

Vers

Dans l'allée de pierre, des fils et des papiers. Dans cet endroit granuleux qui laisse passer le temps, affleurent les petits brodés. L'usure ajoure et laisse s'échapper le jour d'un geste de libération. Sur la partition du temps se décline l’œuvre de nos mains. D'une brodeuse d'histoire, l'écriture suture les vies. Elle s'égare dans le cercle d'un jardin secret. Petits papiers, parcelles de mémoire. Les mots s'effacent dans la couleur de la légèreté. La vie devenue silence se gorge d'une douce violence rouge. Une vie d'endroits et d'envers comme une litanie brûlante qui se hérisse dans un flot de paroles blanches. Dans le vide se dissimule le sens devenu un jeu de secrets. La pierre se lisse dans la mémoire d'un poids qui échappe à la terre. Une pluie de mots ruissellent hors des yeux. Les mains fragilisent, malmènent, réparent la fragile solidité de la frontière. La limite se rompt.  Devions-nous vivre un rêve. Pendant que le jour se lève. Pendant que nos pensées s'élèvent. Devions-nous laisser s'écouler la sève. Dans le trouble de l'air. C'est un voile dans lequel souffle le manque. Il a la légèreté de ton sourire. Je me souviens de ton sourire. Je le regarde encore. Aujourd'hui glacé. Le temps a passé. Je n'ai pas compté. Je revois ce matin. Le calme dans un ciel bleu. Le vert ondulait dans la brume. Le lointain apparaissait au détours. Une promesse indéfinie. Tout ce temps sans toi. Je cherche toujours les mots. Pour m'approcher. Encore plus près. Pour disparaître. Avoir l'impression qu'il est possible de passer de l'autre côté, de soulever ce voile. Parfois, je me dis qu'il suffirait. Un souffle nous sépare. Tout est si peu. La fragilité du jour. Nous sommes nos ombres. Elles suivent la lumière des allées désertées. Elles se prolongent comme des notes dans le silence. La poussière est une prière d'éternité. La vie s'effiloche, s'éparpille comme s'il ne restait plus que l'abandon de la profondeur. Je me perds dans l'abîme des oublis. Les vagues s'enroulent dans le vide et s’apprêtent au silence. Le dernier instant s'est perdu dans le fracas. L'inlassable absence griffe mon âme. Qu'en reste-t-il? De quoi ai-je rêvé?