mardi 28 juin 2016

Un soir au cinéma

Là non plus il ne s'est pas agi d'un bouche à oreille (on dit "un" alors que bouche et oreille sont du féminin) mais d'une suggestion via un réseau social, réseau qui s'est avérée ne pas être traître (je peux expliquer si besoin est). Je suis donc allé voir "Diamant noir". Je dois avouer qu'à l'origine, je n'avais pas prévu d'y aller. Ce qui aurait été dommage.
Le réalisateur a l'intelligence, la délicatesse de nous épargner tous les clichés dont il aurait pu saupoudrer son film. Les clichés sur le quartier des diamantaires d'Anvers. Les clichés sur les méchants et les gentils. Les clichés sur le séduisant beau ténébreux. Les clichés sur la famille, sur le désir, sur la jeunesse. Les clichés à propos du diamant. Et bien d'autres.
Ce film est un reflet qui nous éclaire. Il nous entraîne dans les profondeurs de l'âme. Il façonne et fascine. La vie est une imperfection, une passion qui nous échappe et disparaît. Ses aspérités, ses brutalités peuvent nous pousser à la polir, à l'arrondir mais nous ne pouvons lui échapper. Nous vivons parfois pour ce qui n'existe pas même si nous croyons le voir, même si nous croyons le détenir. Le cœur pourrait oublier de battre pour renoncer à l'amour. Mais, même si nous ne faisons que nous approcher, rien, ou presque, n'est inéluctable.

Pour le dire plus simplement, j'ai aimé ce film. Merci Christophe.

lundi 27 juin 2016

Comme aurait pu le dire le général

"Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !... mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien."

dimanche 26 juin 2016

Horizon

Je lisais un article à caractère nécrologique qui retraçait l’œuvre de Pierre Pachet lorsque je tombe sur cette phrase:
« Si un thème pouvait m’inspirer le désir de construire une œuvre, ce serait le thème de l’individu, terme par lequel je nomme le devoir que l’on a d’être celui que l’on est »
Le devoir d'être celui que l'on est. Dans l'instant je me pose la question "Mais qui suis-je?". Pendant quelques secondes, j'ai attendu la réponse. En vain, mais, en mon for intérieur, pas mécontent de ne pas obtenir de réponse. 

Incrédulité

Tu ne m'aimes plus?
Mais comment fais-tu?
Tu m'aimais tant.
Tu ne m'aimes plus?
Mais jusqu'à quand?
Tu m'aimais pour l'éternité.
Tu ne m'aimes plus?
En es-tu sûre?
Tu me disais pourtant.
Tu ne m'aimes plus?
Qui vas-tu aimer?
Tu disais que j'étais le seul.
Tu ne m'aimes plus?
Que vas-tu faire maintenant?
Tu m'aimais tout le temps.

vendredi 24 juin 2016

Se souvient-il?

De tous ces instants. Il se souvient de tous ces instants. Instants d'une nuit d'hiver illuminée. Des instants bien rangés dans sa mémoire. Il vérifie régulièrement qu'ils sont bien là. Des fois que le temps les aurait altéré, les aurait rendu illisibles. Il s'est constitué une bibliothèque cérébrale dans laquelle il puise des images, des sons, des musiques, des courts métrages, des voix, des phrases. Il est vrai que c'est une bibliothèque qui lui ressemble, dans laquelle il ne s'y retrouve pas toujours. Il n'a jamais eu d'ordre. Il se souvient parfois vaguement. Il sait que certains souvenirs ne tiennent à pas grand chose. S'il ne les remet pas rapidement sur le dessus de la pile ils disparaîtront à jamais. Combien sont-ils déjà revenus à l'état de feuille blanche? Il tombe parfois dessus pendant l'une de ses recherches. Il essaye de percer cette blancheur, de voir s'il ne resterait pas quelque chose, un indice qui lui permettrait de reconstituer ce souvenir. Il sait qu'un jour les feuilles blanches seront les plus nombreuses. Pour finir, peut-être même ne restera-t-il plus que des feuilles blanches que personne n'utilisera à nouveau. Il se demande parfois à quoi bon garder des souvenirs si c'est pour qu'ils disparaissent avec lui. Quand il s'enferme dans sa bibliothèque, il lui arrive de tomber sur des perles, des souvenirs qu'il avait oubliés. Il ne sait plus quand, au gré d'une de ses déambulations entre les circonvolutions, il était tombé sur son premier amour. L'image n'était plus très nette. Il n'était pas parvenu à distinguer son visage mais avait reconnu sa silhouette. Malgré le flou, sans savoir comment, il était certain que c'était elle. Un amour secret, tout en retenue. Un amour qui n'avait besoin de rien d'autre que d'exister. Un amour avec lequel il s'endormait. Un amour qui le faisait rêver. Ce qui n'est pas le cas de tous. Au détour de ses pérégrinations, il lui arrive de distinguer des endroits sombres. Il ne ressent pas l'envie de s'y aventurer. Le coin des mauvais souvenirs. Contrairement aux autres, le temps ne semble n'avoir aucune prise sur eux. Ils demeurent dans l'ombre, imputrescibles, toujours aussi toxiques, prêts à absorber la clarté. Il s'en éloigne sans toujours pouvoir leur échapper. Comme pour les péchés, parmi ces mauvais souvenirs se mêlent ceux qu'il qualifie de "véniels", ils ont le don de lui gâcher la journée quand ils refont surface mais finissent soit par reprendre leur place jusqu'à une éventuelle réapparition soit par devenir inoffensifs. Les souvenirs étiquetés "mortels' quant à eux, selon leur contenu, le plongent dans une torpeur où peuvent se côtoyer les remords, les regrets, la honte, la douleur, la tristesse. Lentement, ils diffusent le mal-être. Il prend son mal en patience, "non son bien en urgence" attendant que les effets disparaissent. A défaut d'affronter l'ombre, il tente de vivre le plus souvent possible dans le présent, s'autorisant de temps à autre une incursion dans les allées d'un passé apaisant, bienfaisant. 

mercredi 22 juin 2016

Déjà

Cette fois, ce sera
la dernière fois
Je te regarderai
partir de loin.
Tu seras près
de t'éloigner.
Tout sera fini
comme indéfini.
Tout sera fini
jusqu'à l'infini.
Il n'y aura rien à retenir
je te laisserai partir.
Sans aucun regret
pour le jour d'après.
Pour la dernière fois
je ne t'aimerai plus.
Il me restera l'éternité
pour t'aimer.

mardi 21 juin 2016

Litté ratures


Un soir au cinéma

Des fois je me demande. Je me demande comment est-ce possible. Il ne s'est agi ni d'une bouche, ni d'une oreille mais d'une bande-annonce. Mais qu'y a-t-il de plus trompeur, de plus fourbe, de plus aguicheur qu'une bande annonce? Rien, si ce n'est, me souffle-t-on sur ma gauche, un président de la République socialiste. Soit. Alors, à quoi sert une bande-annonce? Elle a pour objet de vous donner envie, d'aiguiser votre désir, de vous titiller le lobe, de vous exciter la curiosité d'où son nom. Donc, après avoir visionné cette bande-annonce, qui s'est révélée être une bande-molle, je l'ai rangée dans un coin de mon cerveau. C'est ainsi que vendredi je me suis retrouvé à l'Omnia pour voir La loi de la jungle. Comme je ne suis pas d'humeur à être méchant, je ne me livrerai pas à la critique de ce film. A n'en pas douter, quelque chose m'a échappé. Probablement son humour. Je suis persuadé que ce film est drôle, amusant, foutraque, bordélique mais je n'ai jamais su quand je devais rire. A en croire bon nombre de critiques, c'est un film intelligent et jouissif. Je me suis trouvé idiot et anorgasmique.

lundi 20 juin 2016

Demain

Enlaçons nos solitudes dans une agitation sensorielle. Peut-être prendras-tu ma main au croisement de nos rêves. Dans le froissement des brèves étreintes quand s’éteint le jour de l’attente. La légèreté nous retrouvera dans la lumière des matins. Nos vies surgiront à nouveau des profondeurs endormies quand la nuit apparaît dans les reflets du fleuve. . Les lueurs de pages éparses livreront les mots que tu glisses entre les lignes. Il restera le fragment d’une promesse. L’attente blessera la tendresse. Comme une onde dans l’immensité de la vie, tu t’approcheras à l’infini.  

dimanche 19 juin 2016

Quoi qu'il en soit

Je t'aime quand tu n'es pas encore là
Je t'aime quand je ne pense plus à toi
Je t'aime quand je m'ennuie
Je t'aime quand tu es déjà si loin
Je t'aime quand je t'oublie presque
Je t'aime quand je veux être seul
Je t'aime quand tu m'es indifférente
Je t'aime quand je n'ai rien d'autre à faire
Je t'aime quand je suis avec une autre
Je t'aime quand je doute de mon amour
Je t'aime quand je sais que tu reviendras
En bref, je passe mon temps à t'aimer

mercredi 15 juin 2016

Belle lurette (en souvenir d'Henri Calet)

Tu avais gardé tes lunettes
Et c'était chouette.
Tu étais mouette.
Tu criais sous la couette
Entre les draps et les paillettes
Tu étais en quête.
Je caressais tes couettes
Pour un vœu sur la languette
Tu sifflais fluette
Je comptais les bluettes  
Et tu as fini muette
Pour une pipelette

mardi 14 juin 2016

Ballon rond


Discours pour un anniversaire

Alain, si tu me permets de t'appeler Alain, tu es aujourd'hui à la croisée des décennies. Peu nous importe leur nombre puisque, à part toi, nous ne sommes pas concernés et je serais tenté de dire loin de là. Je dois t'avouer que tu m'as surpris en décidant de fêter ton anniversaire. Du moins au début. Cette décision n'était pas sans risque. Elle nécessitait la mise en place d'une organisation conséquente, prévoir ceci, cela, penser à faire ci et ça. Tout cela étant source de stress. Mais j'ai vite compris pourquoi ainsi à corps perdu tu te lançais dans une telle aventure. Peu après ta décision tu nous réunissais et c'est là que j'ai compris. Nous regardant l'un après l'autre, dans les yeux, nous qui malgré nous faisons partie de ta famille, tu nous a dit toi tu vas faire les décorations, toi tu t'occupes de nettoyer la grange, vous deux vous vous occupez de mes cadeaux, toi tu relances ceux qui auraient oublié de donner, toi tu réserves la sono et tu laisses un chèque de caution, toi tu prends en charge l'approvisionnement et tu négocies les prix et enfin toi le grand tu m'écris un compliment et un compte rendu de cette réunion. Après ça, j'ai bien réfléchi mais je n'ai pas trouvé ce qui te restais à faire. Et c'est comme ça que je me suis retrouvé devant une feuille blanche.

 A chaque fois que je suis invité à un anniversaire c'est l'angoisse. Je sais que je vais être obligé d'écrire un discours et que si je n'en écris pas un ce sera la déception pour tous les autres invités et surtout pour l'inviteur qui pendant des mois, voire des années comme Jamal, ne manquera pas de m'en reparler avec une pointe de reproche dans la voix. Et quand Alain m'a invité, ça n'a pas loupé. Je me suis retrouvé devant ma feuille blanche en me demandant ce que j'allais bien pouvoir raconter. Car ne vous y trompez pas, si ce que vous entendez semble aller de soi, dites vous qu'à chaque fois je trime des heures, des jours, des semaines pour écrire trois phrases. Je sais que Bertrand, hobereau local perpétuant avec ses servantes le droit de cuissage, dit que comme je suis fonctionnaire je n'ai que ça à faire. Quand bien même, car non seulement je dois écrire mais en plus ce que j'écris doit être drôle. A chaque fois je me dis "Vais-je les faire rire?". Parfois ma main se crispe et cette lancinante question revient "Mon Thierry, es-tu drôle?". En me relisant, tout en me regardant dans la glace, j'ai bien été obligé de m'avouer que je ne suis pas aussi drôle que Titi, que je ne suis pas aussi beau et sexy que Thomas et son matos, pas aussi élégant et distingué que Jorge, pas aussi éruditrock que Bruno, pas aussi parfait que Richard, véritable couteau suisse de la vie à deux qui a une lame pour tout. Je me souviens d'une fille qui après un moment d'intimité m'avait balancé "Le problème avec toi, c'est que c'est toujours presque."

Il m'a donc fallu trouver des trucs à dire sur toi, Alain. Vu tout ce que j'ai déjà raconté sur ta famille, ce n'était pas gagné. D'autant que comme d'habitude, quand j'ai demandé à tes sœurs et frère de me donner des idées, de me faire part d'anecdotes, j'ai eu en face de moi des feuilles blanches. J'ai bien pensé faire une incursion dans ton intimité en faisant un détour par ta vie sexuelle, comme Bertrand aime que je le fasse, mais j'ai dû me rendre à l'évidence que si tu n'avais pas de vie sexuelle ce serais la même chose. Autant pour l'anniversaire de ta sœur, dont je tairai le prénom pour préserver son anonymat, j'avais eu tout le loisir, en tout bien tout honneur, de farfouiller dans sa petite culotte pour, tel Depardieu dans les valseuses, en exhumer quelques frasques, autant pour toi, je n'ai rien pu tirer de ton caleçon. Il est vrai que tu as toujours été d'une hygiène irréprochable.  Quand j'ai rencontré Christel pour qu'elle me raconte son Alain, elle a pris soin de me préciser qu'il ne fallait en aucun faire ne serait-ce qu'une allusion à ta libido sauf si et seulement si l'assistance le réclamait à corps et à cris.

Bien, comme dirait notre ami Rocco et ce qui est un des fantasmes de Bertrand, après cette longue introduction, entrons dans le vif du sujet. Si aujourd'hui nous voulions en quelques mots dresser un portrait de toi Alain  nous viendrait à l'esprit : sensible, réservé, prévenant, attentionné, drôle, intelligent, sensuel, charmant, élégant, travailleur, sérieux, rigoureux, moral... Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Durant de longues années, surtout longues pour tes sœurs, comme a fini par me l'avouer, le regard encore voilé par d'anciennes terreurs, une de ses sœurs dont je préciserai simplement qu'elle travaille dans le notariat, tu aurais pu être qualifié de juvénile psychopathe. Ayant découvert les subtilités du rock'n roll en achetant les 45 tours et autres compiles de Slade et des Rubettes, tu te piquais d'être un ingénieur du son. Sur l'étagère de ta chambre trônait un tourne-disque mono pourtant composé de deux enceintes encastrées. Il était agrémenté de trois boutons : on/off, grave/aigu, l'ensemble faisant office de table de mixage. Persuadé d'avoir transformé le mono en stéréo, par de subtiles réglages, tu affirmais avoir trouvé le son absolu, l'équilibre parfait grâce notamment au réglage au dixième de millimètre du saphir changé tous les 15 jours. Mais le battement d'une aile de papillon suffisait à tout dérégler. Ainsi, quand le samedi, rentrant de pension et écoutant le dernier 45 tours de Sensational Alex Harvey Band, tu devais te rendre à l'évidence que le son était pourri, qu'inexplicablement la stéréo avait disparu, tu appelais une de tes sœurs, papillon à peine sorti de sa chrysalide, et tu lui mettais une claque. Ce qui explique aujourd'hui encore cet air craintif qui assombrit le visage de tes sœurs

Comme pour Batman, vous vous posez la question, mais qu'en est-il de Alain begins? Tout commença non loin d'ici, dans une chambre où un bambin dodu fut extirpé de la matrice par une matrone d'un hameau voisin et reçu, en guise de bienvenue, une claque sur ses fesses, ce qui explique pourquoi depuis il ne supporte pas que quiconque lui touche, même pas lui. Le seul qui transgresse le tabou n'est autre que celui que l'on appelle le Baupin du notariat, à savoir François, connu pour être un adepte du touché recto verso. Après cette naissance traumatisante, excluant toute sexualité contre nature, tu vécus dans un milieu essentiellement féminin, ce qui, si j'en crois ton entourage, explique certaines choses, notamment cette surcharge pondérale que tu traînas pendant de longues années et dont ne subsiste aujourd'hui qu'un léger et récalcitrant bourrelet comme un trait de chantilly entre deux carrés de chocolat. Mais surtout, cet environnement féminin fit de toi un véritable tyran domestique. En effet, toute représentante de la gente féminine se devait, sous peine de sévices dont je vous épargnerai les détails, il n'est que d'observer les stigmates persistants sur les corps meurtris de tes sœurs, d'être à ton exclusif service (détails). 

A part ça, de ta vie à la ferme, il n'y a pas grand chose à dire. Tu te rendis compte assez rapidement, malgré les conseils avisés de Bertrand, que tu n'étais pas taillé pour user d'une suceuse, qu'elle fut d'occasion ou pas. Tu fis un passage chez Sanders avec le séduisant Thierry Robert et sous les ordres du gars Jouvo, spécialisé dans le dressage de rats et la réparation de vestiaires de filles. Cette expérience de manutentionnaire de sac d'engrais finit de te convaincre que l'expression de ta virilité devait trouver une autre voie que celle de la force brute et animale. Tel un Brian Ferry du Vexin, tu fis le choix de la suave et moite sensualité reptilienne qui s’immisce et chuchote dans les ombres du désir.   

Tout ça pour dire que la musique est l'élément central de ta vie, de ta vie culturelle. Peut-être cette passion s'exerça-t-elle avec le plus de frénésie lors de la vague punk qui correspondit chronologiquement à ton passage à l'université. J'emploie sciemment le mot passage, car on ne peut pas dire que ta production cérébrale, hormis "possession vaut titre", ait laissé beaucoup de traces dans les annales de la fac de droit de Rouen. En revanche cette période te permis d'améliorer ton coup de rein au flipper et surtout de te constituer une collection de vinyles en fréquentant quotidiennement les bacs de Mélody Massacre. Des Slits à Jonnhy and the Hot Rods en passant par Buzzcocks, Jam et docteur Olivenstein, rien ne t'échappait. Il te fallait tout avoir, quitte à ne rien écouter. John Peel, New Musical Express, Rock'n Folk, pressage anglais. Résultat, bien que fan des Dogs tu n'obtins jamais ton DEUG.

Ensuite. Ensuite, vous connaissez tous la suite de l'histoire. Dans les hésitations de l'émoi d'une passion douloureusement dévorante, dans les langueurs mortifiantes d'un l'amour naissant, ou comme dirait Bertrand, devant l'impérieuse envie de baiser, Alain déclara sa flamme à Christel, qui se fit un plaisir de souffler sur la braise, ou comme dirait Bertrand... Et tu finis par te marier, ce qui fit dire à Michel "Comme ça, il aura plus souvent les yeux en face des trous". C'est ainsi que tu entras dans un autre monde, celui d'un certain ascétisme épicurien. Tu échouas brillamment dans le notariat. Après la gauloise, la demi gauloise, la gauloise filtre, la demi gauloise filtre, le "demain je n'en fume plus que trois par jour" et le célèbre demain j'arrête, tu arrêta de fumer. Après, le sucre, après le demi sucre, tu arrêtas le sucre dans le café. Après le paris-brest, après la tarte aux pommes, après le gâteau de riz sec, après le demi gâteau sec, tu renonças au dessert. Mais comme dirait Bertrand, ce n'est pas parce que tu renonces au sucre que tu fais une croix sur les gâteries. Tu te mis à courir, à écouter de la musique folk minimaliste du genre frère biolaytiste à la guitare sèche et sœur bruniesque au chant. Tu as abandonné l'à peu près vestimentaire qui te permettait de te couvrir comme d'autres mangent pour se nourrir pour adopter l'élégance, le chic, le bon goût des harmonies de délicates fibres qui épousent ton corps s'élançant vers la perfection esthétique que d'aucuns qualifient, envieux, de Dandywarholienne.    

Et c'est ainsi qu'au fil de ces années qui s'écoulent et nous entraînent le long des berges de nos souvenirs, de nos espoirs, de nos désirs, tu es devenu l'essentiel de ta vie, l'essentiel d'autres vies, l'essentiel céleste d'une aube caressante. Alors Alain, si tu me permets une dernière fois de t'appeler Alain, même si un jour tu finis enfin par devenir vieux comme disent les envieux, ce dont je doute, émanera toujours de toi ce quelque chose  qui échappe aux mots, qui échappe à la parole,  mais qui nous sera toujours précieux. 

  
       

vendredi 10 juin 2016

Plouf

Ton amour. Rien de plus. Tout au plus, un rien de tendresse. Rien ne presse sur le chemin oblongue. Ta pluie m'a plu, lointaine fontaine. Le mensonge éclairait les songes. Quand nous plongions dans le retournement. La chute des flaques claquait sur le sol fuyant. De vagues mouvements débordaient. Nous devinions sous la surface. Semblant de surplace. Glissades sans fin. Enfin. Plus tard, dans le désir évaporé.


Presque ras le bol


mercredi 8 juin 2016

Faut voir

Dans la nuit aux formes indéfinies. Allongé dans tes pensées. Ruisselant entre tes doigts. Souffle sur tes lèvres. L'aspiration coule de ta bouche. Rondes insinuées. Pâles humides. Fouilles anarchiques. Glissements aux antipodes. Moiteur de l'équateur. Plonger dans l’œil du cyclone.  Et après, c'est fini. Se dire tant pis. Le temps de l'infini.  

Au ras des pâquerettes


mardi 7 juin 2016

Danse et deviens

Depuis peu, j'ai découvert que les couloirs d'un hôpital étaient des lieux de vie. Une vie parfois babillante et d'autres fois ténue. Au-delà de ce qui sépare, la vie se diffuse, prend forme, s'écoute, se regarde, comme hier, avec la présence de Sylvain Groud. S'imprégnant, frôlant, recevant, vivant les émotions, les attentes, les hésitations, les angoisses, les voix, le chagrin naissant, l'irrémédiable solitude, Sylvain Groud prolonge chacun de nous en une chorégraphie. Il devient le miroir dansant de notre esprit, de notre cœur, de nos pensées, de notre amour qui bat et s'incarne dans la délicatesse, dans la fluidité de la danse. Les mots ne peuvent rendre compte de ce provoque ce corps qui se glisse au plus profond de l'âme. Sylvain, s'il me permet de l'appeler Sylvain, se fond dans les espaces de l'intimité des souffles, des regards, des expressions. Il révèle notre complexité, le mystère de notre vie, notre désarroi, notre beauté  par la création d'un espace d'harmonie corporelle.   






lundi 6 juin 2016

Bon alors quoi?

Je suis un citoyen patriote ("j'en vois un qui rigole") prêt à tout pour mon pays. Et je dois vous faire part, avec un liseré noir, de mon inquiétude. Après avoir entendu des mots et expressions suintant la testostérone comme "bras de fer", "terroristes", "prise d'otages", "ultimatum", "guerre d'usure", "bombe à retardement", "costume et tshirt", "tension sur le front", "atteintes aux libertés", je me suis dit que les décérébrés de Daesh étaient de retour. Que nenni, m'ont dit des gens bien informés. Tout ça c'est du franco-français. Ce sont des gens de gauche qui sont maladroits. Après m'être retroussé (sacré expression) les manches de mon tshirt, j'ai lu les journaux, écouté la radio pour me faire une idée. Je dois vous avouer que j'ai eu du mal à comprendre. J'ai fini par saisir qu'il s'agissait d'un article, plus précisément de l'article deux d'une loi qui, comme la tapisserie de Pénélope, faisait l'objet d'un détricotage mais sans que l'amour en soit la cause. Si j'ai bien compris, ce désormais célèbre article prévoit l'inversion de la hiérarchie des normes. Le mot inversion a retenu mon attention. Je me suis dit que j'avais déjà entendu ça quelque part. Inversion, inversion...Mais c'est bien sûr, inversion de la courbe du chômage. Inversion salariale avec le travailler plus pour gagner moins (même pas de quoi se payer un costard). Et c'est là que j'ai compris que depuis 2012 avait commencé le GRAND INVERSEMENT. Quand on a compris ça, tout va beaucoup mieux, d'autant mieux que j'ai ressorti le stock de vaseline que j'avais rangé en mai 2012. Je suis allé voir François histoire de lui suggérer de réinverser mais arrivé devant la porte... 


dimanche 5 juin 2016

Enlacée

Dans la nuit, le long de la ligne j'ai pris la fuite. J'aspirais à la dépasser. Je l'ai suivie sans fin. Perspective engloutie. S'effaçaient les bruits et les frottements. Les yeux se fermaient le long de l'allée embrassée. Les fervents serments détruits gisaient dans l'amas des promesses calcinées. L'herbe se balançait dans les souvenirs enracinés. Ton souffle s'élevait. Les particules voilaient ton sourire. Les jours enfouis dans le froid de l'abîme. Je te chuchotais près du recoin de ta vie. Sur ton visage naissait l'orbe de l'amour. Je me laissais porter par l'élan. Un matin approche. La lumière s'extirpe. Je ne verrai jamais l'au-delà dans le silence ébruité. 



vendredi 3 juin 2016

Couloir à cordes

L'hôpital, qui peut être un lieu de fin des temps, semble parfois hors du temps. Les jours, comme sans lendemain, se succèdent anonymes et sans souvenir. Pourtant, je suis certain que l'autre jour était un vendredi. Un vendredi matin. Un vendredi matin musical. Durant la matinée, cinq musiciens, dont trois musiciennes, se sont accordés pour jouer ensemble dans les couloirs de plusieurs services. Ces longues enfilades faites de portes, de murs, d'attentes sont devenues des lieux où passait la musique, musique qui apportait une note de légèreté, transformait l'attente en partage. Elle portait bien au-delà. Chacun prenait son temps, le donnait, le partageait. Et puis, sous le charme, le temps a fait une pause, s'est fait discret. Les regards suivaient le mouvement des archets. Les morceaux finissaient par faire un tout. Chacun pouvait oublier ce qu'il voulait, se laisser porter ailleurs, plus loin, plus près.
Discret mais joueur, le temps est passé entre les pupitres. Le matin était déjà un souvenir. Les étuis se sont à nouveau ouverts pour accueillir les instruments. Mais ils reviendront. 

jeudi 2 juin 2016

Va savoir

Est-ce qu'ailleurs la vie sera meilleure? Est-ce que plus près de ton cœur, j'aurai moins peur? Est-ce que main dans la main nous verrons demain? Est-ce que j'aurai tout dit jusqu'à l'oubli? Est-ce que tu feras un détour jusqu'à mon amour? Est-ce qu'avec tes caresses, s'éloignera la détresse? Est-ce que dans ton regard, je partirai au hasard? Est-ce que tu m'accompagneras jusque dans tes bras? Est-ce qu'avec les feuilles d'automne, je tomberai à tes pieds comme un faune? Est-ce que de ta passion, je serai un battement sans raison? Est-que dans les débris de la nuit, je serai celui qui te prie? Est-ce que dans la brise là-bas, un autre jour tu m'embrasseras? Est-ce que quand tu ne voudras plus de moi, tu me garderas près de toi?  Est-ce que quand arrivera la fin, tu auras envie de recommencer demain?