vendredi 17 mars 2017

Mépris (2)

Il est là. Il git, masse informe devenue sans intérêt, sans plus aucune utilité que je pourrais jurer n'avoir jamais côtoyé. Et pourtant. Et pourtant, depuis l'aube jusqu'à la tombée de la nuit la plus profonde, qu'a-t-il fait ce boxer maintenant ignoré? Tout au long de la journée il a partagé mon intimité, il m'a soutenu. Cette proximité commence le matin, quand, sortant de la douche et animé d'un balancement généralisé, j'ouvre le tiroir où à gauche se trouvent les chaussettes plus ou moins appareillées et à gauche les boxers. Je ne choisis pas. Je prends le premier qui se présente sans me préoccuper de savoir si sa couleur sera coordonnée à celle de mon pantalon. Je l'enfile et je sens sa douceur ascendante caresser ma peau. De quelques gestes précis emprunts d'une délicatesse toute masculine, je procède aux derniers réglages qui me permettent de m'assurer d'un confort qui, sauf imprévu, m'accompagnera toute le journée. Et lui, mon boxer, qui sera jusqu'au soir confronté aux contingences qui parsèment la journée d'un homme, n'en restera pas moins soucieux de mon bien-être. Et moi, que fais-je le soir venu? Ai-je seulement une pensée, un geste exprimant ma reconnaissance de tant d'attention? Que nenni. Je le balance négligemment comme une vieille chaussette. Ce mépris trouve son épilogue quand, la tête déjà ailleurs, sans considération je le jette dans la corbeille de linge sale où il rejoint tous ses congénères avant lui méprisés. Quel ingrat je fais.    

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